Informations complémentaires :
C’est un CC un peu spécial réalisé pendant les vacances d’été, avec des thèmes donnés par trois amies : arrières-pensées, la fin des haricots, et coquillage. Normalement je ne choisis qu’un thème ou deux, mais je me suis fait le défi de caser plus ou moins les trois ! C’est donc une espèce de suite de l’histoire Brighter, qu’il faut avoir lue pour comprendre ceci (risque de spoil absolument énorme). Ce n’est pas forcément « canon », en tout cas voyez-le comme vous voulez.
Cette fois, c’est terminé.
Enfin.
Un, deux, trois, quatre… cinq…
Toujours rien ?
Il ouvre les yeux, regarde sa montre. Il ne s’est rien passé ? Il se lève et se dirige vers sa fenêtre, perdu. Il regarde au dehors, sans comprendre. Rien n’a changé. Ce foutu paysage urbain anxiogène s’étale toujours à perte de vue.
Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Ou plutôt, qu’est-ce qu’il ne s’est pas passé ? Est-ce qu’il a raté une étape ? Mal prononcé ses mots ? Est-ce qu’il n’était pas suffisamment concentré ? Ou pire… est-ce qu’il ne le voulait pas assez fort ? Non, ça c’est impossible. Vraiment impossible.
Cette journée de merde… Ce monde entier, de merde. C’est impossible qu’il n’ait pas voulu en finir avec tout ça. Et l’entraîner dans sa chute au passage. Il n’a pas eu une once d’hésitation à les dire, ces deux mots.
Planète Terre.
Et pourtant… pourtant, il est toujours là. Cette foutue ville est toujours là. Ces putains de pots de crème anti-rides aussi, posés sur son bureau. Sa tablette à l’écran fissuré, son cadre, la photo de son père… Pourquoi est-ce que tout est toujours là ?
Il se penche pour regarder en bas, sans ouvrir sa fenêtre. Il avise la hauteur, pensif. Bah, s’il n’a pas réussi son coup, après tout, il pourrait tout simplement sauter. Il n’a aucune chance de survie, de son dernier étage. Il ne restera même pas grand-chose de lui après ça. Un rictus nerveux sur le visage, il imagine les gros titres dans les journaux :
« Mort tragique : Le CEO de Brighter se défenestre du haut du dernier étage de son immeuble ! »
Il lève la tête en l’air, pensif. Il se demande à quoi on attribuerait son geste. Un coup de folie ? Non, non. D’une manière ou d’une autre, on ramènerait cela à l’argent. On dirait que le rachat de #ComeBack ne lui a pas apporté la satisfaction escomptée et que, désespéré par le trou que cela avait créé dans le portefeuille de l’entreprise, il avait préféré se donner la mort que d’affronter la ruine de l’œuvre de son père. Quelque chose dans le genre. Brighter, des semaines de silence dans les médias pour ne refaire parler de soi qu’à la mort de son PDG. En voilà un sacré coup de pub.
Il soupire en regardant à nouveau devant lui, abattu. Ce paysage désespérément gris et…
Une tache blanche ? Il cligne plusieurs fois des yeux et les plisse, incrédule. Qu’est-ce que c’est que ça ? C’est étrange. On dirait comme un point à l’horizon, qui grossit. Il le fixe un long moment, fasciné. Jusqu’à enfin percuter.
C’est moi qui ai fait ça.
Ça a fonctionné. Ce point blanc qui s’élargit, c’est… c’est #ComeBack. C’est la Capacité, qui est tout simplement en train de traiter sa demande. Mètre carré par mètre carré, immeuble par immeuble.
Il reste un moment là, la bouche entrouverte, les bras ballants, à observer le phénomène. Lorsqu’il a su qu’il prononcerait ces mots, lorsqu’il a pris sa décision quelques minutes plus tôt, il n’a pas pensé une seule seconde qu’il verrait cela. Qu’il le vivrait. Et alors que la chose se rapproche, à la fois si rapide et si lente, des milliers d’interrogations lui traversent l’esprit.
Comment est-ce que ça va être ?
Il essaie de se souvenir de ces cours de sciences au lycée, durant lesquels on leur apprenait à quoi ressemblait la planète Terre, à l’origine. Une boule de feu immense ? Un amas de roches ? Un caillou parmi d’autres, qui dérive silencieusement dans l’infinité de l’espace ?
La tache blanche se répand, aveuglante.
Est-ce que la vie réapparaîtra ?
Y aura-t-il de l’eau ? Des cellules dans les fonds marins ? Un tout nouveau genre de végétations ? De nouveaux animaux ? Des plaques tectoniques, qui reformeront des montagnes au fil des millénaires ? Des plages de sable fin, des coquillages ? Des forêts, vierges et inexplorées ? Un monde entier, luxuriant, si riche et surtout, à l’abri de l’humain. Il sourit à cette idée, essayant vainement d’imaginer à quoi ce tout nouvel environnement pourrait ressembler. Quoi qu’il se passe…
Ça ne pourra jamais être pire que ça.
Il observe l’immensité blanche, qui a désormais englouti l’immeuble en face du sien. Tiens… quel bruit est-ce que ça fait, un grand recommencement ? Curieux, il ouvre la fenêtre. Il prête à peine attention à la chaleur étouffante et à l’odeur irritante des pots d’échappement qui lui parviennent aussitôt, bien trop fasciné par sa création. Par sa recréation.
Il se penche à la fenêtre pour la voir de plus près. Pas le moindre son. Juste cette masse qui avance, imperturbablement. Une larme coule sur sa joue, qu’il ne prend pas le temps d’essuyer. Bientôt, tout ça sera terminé. Et même s’il ressent une pointe d’appréhension, même s’il a peur que la vague de néant ne le fasse souffrir durant quelques longues secondes avant de l’effacer de la réalité pour de bon, il se sent soulagé. Il en est convaincu, il a fait la seule chose qu’il avait à faire avec cette Capacité. La seule chose sensée qu’on pouvait en faire.
Il ferme les yeux, aveuglé par cette lumière qui n’est plus qu’à quelques mètres de lui. Il aimerait tant pouvoir le voir, le monde d’après. C’est peut-être ça, son seul regret. De savoir qu’il ne pourra pas s’y rendre, même juste une minute, pour l’admirer.
Il soupire, à la fois dépité et soulagé. C’est comme ça. Il a fait ce qu’il pouvait. Quant à la Terre… elle reviendra, plus belle.
Come back brighter.