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Les Envahis, 28 : La fuite

Si Leo n’était jamais la cible des moqueries ou des violences de son père, il n’était pour autant pas aveugle à la douleur de sa sœur et de sa mère. Il ressentait l’ambiance pesante et malsaine qui régnait au sein de sa famille et était de plus en plus agité. Ses résultats à l’école en pâtirent, il dormait de plus en plus mal. Rose faisait de son mieux pour lui remonter le moral, mais cela ne suffit bientôt plus : il sentait que quelque chose n’allait pas. Entre sa sœur qui jetait presque la moitié de son assiette chaque soir et s’enfermait dans sa chambre pour faire des exercices interminables sur un tapis de gym, sa mère qui faisait des siestes si longues qu’il ne la voyait parfois pas pendant des soirées entières, et son père qui changeait sans arrêt d’humeur, le petit garçon était complètement perdu.

Ce n’était pas la famille à laquelle il s’était habitué.

Mais il n’en parla à personne et poursuivit sa routine du mieux qu’il pouvait : école, chorale, sorties le week-end avec son père, parfois le reste de sa famille. Le plus souvent, sans sa mère.

L’événement suivant se produisit lorsqu’il avait environ six ans et demi, et Rose quatorze. Ce jour-là, sa mère était rayonnante. Elle avait été souriante toute la journée, et rien ne semblait pouvoir entamer sa bonne humeur. Rose et Leo la regardaient d’un air incrédule, et lorsque le beau-père rentra du travail, même lui en fut plutôt étonné.

« Parce que tu l’as habituée à se taire et à avoir peur en permanence, songea Rose en le regardant avec colère. »

Ce fut seulement lorsque tout le monde fut installé autour d’une table exceptionnellement bien dressée qu’elle annonça joyeusement, une bouteille de champagne sans alcool à la main :

« Je suis enceinte ! »

Dans un premier temps, Rose ne sut pas si elle devait se réjouir de la nouvelle. Elle avait déjà peur que son beau-père s’en prenne à Leo, alors un nouvel enfant à protéger, si fragile, si innocent ? Elle ne voulait pas endosser cette responsabilité.

Et un jour où le beau-père n’était pas là, son amie Emily débarqua à la maison après avoir appris la nouvelle. Sa mère semblait si heureuse, et elle avait tellement d’espoir dans la voix !

« Je te jure, cette fois c’est la bonne. Il a été adorable avec Leo quand je l’ai eu, ça va le faire réfléchir, il va changer. J’en suis sûre, Emy, j’en suis sûre. »

Rose, qui espionnait une nouvelle fois la conversation, se dit qu’on aurait pu mettre la photo d’Emily à côté du mot « sceptique » dans le dictionnaire.

« Et pendant combien de temps ? »

Et alors que les deux amies se lançaient dans un débat animé, Rose, elle, espérait vraiment que sa mère avait raison. Après tout, un homme qui les avait autant choyés ne pouvait pas être entièrement mauvais, non ? C’était impossible. Peut-être avait-il besoin d’un déclic, et que ce déclic serait la naissance de cette sœur ou de ce frère à venir. Définitivement, Rose voulait y croire. Sans savoir que le fameux déclic se produirait bel et bien.

Dans la tête de sa mère.

La grossesse se déroulait plutôt bien. Le ventre d’Anna Meyer s’arrondissait doucement, et elle n’eut pas plus de douleurs que pour les deux précédentes. Le couple ne souhaitait pas connaître le sexe de l’enfant, se réservant la surprise pour le jour J. En attendant, certains soirs à table, la famille entière proposait des idées de prénoms. Féminins, masculins, ou qui convenaient aux deux sexes… Rose adorait ces moments-là. Dans ces moments-là, alors que Leo riait, que son beau-père souriait et que les yeux de sa mère pétillaient, elle avait l’impression que la famille retrouvait sa cohésion, son harmonie d’autrefois.

Il était redevenu celui qu’il était lorsqu’il s’était installé avec sa mère, au tout début. Doux, attentionné, multipliant les sorties le week-end, les cadeaux… Et surtout, il n’envoyait plus aucune pique à Rose. Plus aucune remarque sur son poids, pas un mot plus haut que l’autre.

Peut-être qu’Emily se trompait. Peut-être que les gens comme lui pouvaient vraiment changer, peut-être étaient-ils capables de se remettre en question, de faire ressortir ce qu’il y avait de bon en eux pour leur famille, pour leurs proches.

Rose voulait y croire. Et alors qu’elle se sentait de plus en plus apaisée, elle commença à baisser sa garde. Il n’y avait plus aucun danger, après tout. Il avait changé, il s’était calmé.

Le calme avant la tempête, comme disait l’expression.

Rose se tut, contemplant le fond de son verre. Elle se leva pour aller fermer la porte de la grange lorsqu’elle s’aperçut que l’averse commençait à tomber et que des gouttes pénétraient à l’intérieur, puis elle retourna à sa place sans mot dire. Elle reprit, toujours de la même voix étrangement calme :

« Je pense que vous vous doutez que si aujourd’hui, j’ai qu’un seul petit frère, c’est qu’il s’est passé quelque chose.

– Il y a eu des complications ? se désola Chloe.

– On peut dire ça. Laissez-moi vous raconter en exclusivité la pire soirée de ma vie. Vous ne serez pas déçus, ironisa-t-elle avec un air de présentatrice télé. »

Ses amis comprirent sans peine qu’elle tentait ce trait d’humour pour ne pas fondre en larmes devant eux. Andrew lui sourit tristement :

« Prends ton temps, on n’est pas pressés. Et si c’est trop dur, tu peux très bien garder ça pour toi, ou pour une autre fois.

– Oui… Oui, t’as raison. Mais… non, ça va aller. J’ai juste besoin de me reprendre. »

Avec un regard entendu, ils s’écartèrent d’elle et détournèrent le regard pour la laisser respirer. Elle prit quelques minutes pour se ressaisir. Puis un peu plus détendue, elle se replongea dans le passé pour leur livrer la suite.

S’il avait réussi à contenir ses pulsions violentes pendant les premiers mois de la grossesse de sa femme, il ne s’était pas apaisé pour autant. On ne change pas un monstre, aurait dit Emily. Et même si personne ne voulait la croire, elle avait raison. Il était un monstre.

Un soir, il rentra du travail exténué et de très mauvaise humeur. Instantanément, la fragile bonne ambiance qui avait réussi à s’installer dans la famille se brisa. Leo se mit à regarder ses deux parents simultanément, anxieux, Rose était nerveuse et leur mère n’était pas en reste. Elle caressait machinalement son ventre arrondi, comme pour se rassurer, et lança d’une voix maladroite :

« Chéri, tu… t’as passé une bonne journée ? »

Pas de réponse. Tout au plus, un grommellement. Ça ne sentait pas bon. Sentant toute cette électricité dans l’air, Rose s’éclipsa discrètement dans sa chambre pour souffler un peu. Elle se trouvait lâche, mais elle n’avait pas la force d’affronter ça. Ce soir-là, elle laissa sa mère et son frère seuls face au monstre. Et elle ne se l’était toujours pas pardonné, encore aujourd’hui. Pourtant, ce n’était bien sûr pas à elle de s’en vouloir, pas une seconde.

Elle tenta de faire comme si de rien n’était, comme si ça allait chasser le problème. Elle s’occupa à répondre aux messages de sa meilleure amie, qui lui parlait du garçon dont elle était amoureuse au collège. Tout pour ne pas penser au beau-père, à sa mère pétrifiée sur sa chaise, à son petit frère qui s’agitait nerveusement. À cette horrible tension malheureusement familière qui régnait dans la cuisine.

Entre deux messages, elle soufflait et pianotait nerveusement des doigts sur son bureau. Elle tentait de se calmer, repensant à toutes les petites attentions qu’il avait eues pour eux dernièrement. Sa mère était enceinte, il le savait. Il tenait à Leo et il tenait sûrement tout autant à ce futur enfant qu’Anna allait mettre au monde. Et puis tout de même, il devait aussi tenir un minimum à elle et à sa mère. C’était idiot de s’inquiéter, non…?

Elle commençait à se détendre lorsqu’elle entendit Leo crier. Pas de douleur, mais plutôt… comme un enfant qui fait un caprice. Elle tiqua. Leo avait arrêté de faire des caprices depuis au moins un an, ce n’était pas dans ses habitudes. Peut-être était-ce autre chose. Le stress, la fatigue ? Personne ne le saurait jamais.

Elle resta un moment sur sa chaise de bureau, à se demander si elle devait aller voir ce qui se passait. Après tout, sa mère en avait vu d’autres avec Leo, mais elle avait toujours réussi à le calmer sans crier. Mais alors qu’elle hésitait toujours, son beau-père se mit à hurler et elle se figea sur sa chaise :

« Putain ! Mais tu vas faire taire ton fils, bordel ? J’ai passé une journée de merde, c’est pas pour l’entendre brailler quand je rentre ! »

Rose était tétanisée. Elle n’avait jamais entendu sa voix prendre ce timbre. C’était terrifiant, réellement terrifiant. De sa porte ouverte, elle entendit la petite voix fluette et tremblante de sa mère qui tenta de rétorquer :

« Chéri, calme-toi, Leo est juste fatigué… Et c’est aussi ton fils, tu pourrais… »

Elle ne termina pas sa phrase. Un bruit sourd venait de résonner, Leo hurla de plus belle alors que leur mère poussait un gémissement. Des larmes se mirent à couler sur les joues de l’adolescente sans même qu’elle ne s’en rende compte.

Ça ne pouvait pas arriver.

Et pourtant, il y en eut un deuxième, puis un troisième, sans qu’elle parvienne à trouver le courage de se lever de sa chaise. Elle entendait son frère et son beau-père hurler, mais sa mère… sa mère ne disait plus rien.

« Non, non, non… »

En pleurs, Rose se saisit de son téléphone et courut jusqu’à la cuisine. Elle n’eut pas un regard pour sa mère et son frère en entrant dans la pièce. Elle avait les yeux rivés sur son beau-père, plus enragée et effrayée que jamais :

« Arrête ! »

Elle ne reconnaissait plus sa voix. Tremblant de tout son corps, elle tenta tant bien que mal de ne pas s’effondrer au sol alors qu’il la toisait du haut de son mètre-quatre-vingt-dix. Elle leva son bras qui tenait le téléphone, ce bras secoué de spasmes, et cria aussi fort qu’elle le put :

« Arrête tout de suite ou j’appelle la police ! »

Même si elle était terrifiée, elle n’avait jamais été aussi sérieuse. Il la jaugea encore un instant d’un air moqueur puis, sans rien dire, il tourna les talons, attrapa son manteau et claqua la porte, s’en allant Dieu sait où et Dieu sait combien de temps.

Rose resta peut-être une minute ou deux debout, à fixer la porte comme si elle avait peur de la voir se rouvrir à chaque instant, puis son regard se tourna vers son petit frère qui pleurait près de leur mère. Et c’est alors qu’elle s’aperçut avec horreur que celle-ci était étendue au sol, dans une mare de sang, les yeux clos. Leo leva les yeux vers sa sœur et la supplia d’une voix cassée :

« Rose… Appelle les pompiers… »

Dans un état second, l’adolescente ralluma son téléphone et composa le numéro des urgences sans même s’en rendre compte. D’une voix blanche, elle donna machinalement son adresse à la standardiste, en lui disant que sa mère saignait beaucoup et n’ouvrait plus les yeux, puis elle raccrocha et s’agenouilla près de son petit frère pour le serrer dans ses bras.

« Je suis là, Leo… »


Les deux enfants d’Anna Meyer furent évidemment autorisés à monter dans l’ambulance qui transporta leur mère à l’hôpital. Serrant son téléphone à s’en faire blanchir les phalanges, Rose n’entendait qu’à peine les sanglots de son frère, qui s’agrippait toujours à elle.

Lorsqu’ils arrivèrent à destination, elle composa de mémoire le numéro d’Emily et la supplia de venir les rejoindre sans rien expliquer. Elle avait besoin d’un adulte, d’un adulte dont elle se sentait proche et en qui elle pouvait avoir confiance. À l’instant où Emily entra dans la salle où les deux enfants attendaient, elle se jeta sur eux et les serra contre elle un long moment. Puis elle soupira :

« C’est lui qui a fait ça, hein ? »

Rose hocha la tête, incapable de parler. Leo, lui, n’en menait pas large et sanglotait toujours.

« Je vais rester ici pour vous protéger, d’accord ? Je dois juste parler aux médecins. Vous êtes en sécurité dans l’hôpital, OK ? Surtout, restez ensemble. »

Emily revint au bout d’un temps qui sembla infiniment long à Rose, qui n’avait même pas osé s’éloigner de son frère le temps d’aller aux toilettes. La jeune femme soupira à nouveau, les yeux rouges, et s’assit à côté d’eux.

« Rose, Leo… Votre maman va se réveiller, et elle va s’en remettre. Les médecins en sont sûrs. »

Leo esquissa un début de sourire, et Rose sentit un énorme poids se retirer de ses épaules. Pourtant, elle sentait qu’il y avait un « mais ».

« Mais… elle a perdu le bébé. »

Après un lourd silence, Rose demanda :

« Le sang… C’était ça ?

– Oui, ma chérie. C’était ça. Je suis désolée. »

Alors qu’elle tentait vainement de trouver des paroles réconfortantes, Leo l’interrompit, les yeux écarquillés et l’air sombre:

« C’est ma faute. C’est parce que j’ai pleuré. Ça l’a énervé et il a frappé maman. C’est à cause de moi. »

« C’est… ce sont les derniers mots que mon frère ait jamais dits, déclara Rose d’un ton fataliste. On a eu beau lui dire tout ce qu’on pouvait, les psys aussi, rien à faire. Visiblement, la créature dont tu parles a trouvé que c’était le moment parfait pour lui prendre sa voix. »

Dans la grange, personne ne sut quoi dire. Chloe, qui était la plus sensible d’entre eux, en avait les larmes aux yeux. Dean avait une grosse boule dans la gorge, et devina sans peine que c’était aussi le cas de ses autres amis.

« Et après… Emily nous a tous gardés chez elle pendant qu’elle et ma mère lançaient une procédure pour porter plainte. Enfin surtout Emily, ma mère… elle avait plus le courage. Mais ce connard a le bras long et beaucoup d’argent… Il a tourné le procès à son avantage. Il a à peine été condamné, à presque rien. Je suis sûre qu’il est déjà sorti pour bonne conduite à l’heure qu’il est… s’il a seulement fait une seule journée de prison. Il a réussi à faire gober aux jurés que ma mère se faisait mal toute seule, qu’elle était devenue folle à cause de sa dépression. C’est l’épisode de la fausse couche qui est mal passé et qui l’a fait condamner, pour non-assistance à personne en danger, je crois.

– Mais, ton frère et toi, vous aviez témoigné, non ? demanda Jade d’un ton outré.

– Oui, bien sûr. Malheureusement… Mon témoignage a très peu été pris en compte, et comme Leo ne parlait plus… personne n’a pris la peine de l’écouter. Quand on a compris qu’on n’aurait peut-être jamais la paix, ma mère a investi quasiment tout l’argent de l’héritage de mon grand-père pour une maison dans un village le plus paumé possible – sans vouloir vous vexer. Et là, on espère juste qu’il ait pas envie de nous retrouver, ou qu’il y arrive pas s’il essaye. Bref. Voilà toute l’histoire. »

Ses amis lui adressèrent tous des regards compatissants, ne sachant que dire. Soudainement, Rose se leva et se mit nerveusement à faire les cent pas.

« Mais ce que tu m’as dit sur les créatures et la métaphore qui va avec… ça pourrait m’aider à guérir. Et Leo aussi. Peut-être même ma mère ? J’en sais rien. Oh, et puis si vous connaissez quelqu’un qui pratique la sorcellerie, j’ai un ex-beau-père à empoisonner à distance. »

Elle rit à cette idée, puis se retourna vers eux avec un visage apaisé.

« Je vous remercie.. J’avais vraiment besoin de raconter ça à quelqu’un. Avec mon amie de mon ancienne ville… c’était surtout par messages. Le faire en vrai, c’est différent… Ça m’a fait du bien… Je vais essayer de parler à Leo, si je pouvais lui expliquer pour la créature, peut-être qu’il pourrait reparler. Sa voix me manque… Il chantait bien, j’aimerais tellement que vous puissiez l’entendre un jour…

– On n’y manquera pas quand il sera prêt, lui assura John. »

Le visage de Rose s’illumina un instant. Puis elle poursuivit, l’air plus sombre :

« Et pour ma mère, je sais pas. J’imagine qu’il va lui falloir du temps. Peut-être que mon père, mon vrai père je veux dire, va l’aider un peu. Je pense pas qu’ils vont se remettre ensemble, ils avaient bien rompu pour une raison mais… Mais je sais pas, ça va mieux entre eux. Ça a eu l’air de faire du bien à ma mère d’enterrer la hache de guerre et de lui parler calmement. Sans que mon ex-beau-père à la con vienne lui dire quoi faire et quoi penser. »

Ses amis hochèrent la tête. Ce lien qu’elle renouait avec Arthur, sur des bases saines, pourrait peut-être lui apporter un peu de réconfort.

« Hésite pas à revenir nous dire comment ça se passe, lança Dean. Et si on peut t’aider, on le fera.

– Et je suis désolé que tu te sois sentie exclue de notre groupe, ajouta Andrew.

– T’es la bienvenue et tu le seras toujours, conclut Chloe. »

Jade, même si elle semblait toujours distraite, hocha la tête d’un air compatissant, elle aussi. Puis Rose prit un air malicieux et demanda :

« Alors, est-ce qu’à tout hasard… je pourrais écrire mon nom sur la poutre avec les vôtres, moi aussi ? »

John eut un sourire en coin.

« Évidemment. »

Il lui tendit un marqueur et la laissa découvrir la face blanche de la poutre. Elle s’accroupit et déboucha le marqueur avant de le poser sur le bois.

« Rose Meyer »

Quelques mois s’écoulèrent. La fin de l’automne apporta ces vents froids et ces pluies glaciales qui caractérisaient le Havre Perdu. Tout le monde recommença à bien se couvrir – hormis madame Craig – et à très peu sortir. Heureusement et comme toujours, la fête du 28 octobre eut bien lieu à Woodglades, et cette année, les Envahis y accueillirent Rose qui s’y amusa tout autant qu’eux.

La jeune fille semblait se porter mieux. Elle reprenait peu à peu des couleurs et, à la surprise générale, elle avait même regagné un peu de poids. Pas grand-chose, bien sûr, et ses progrès n’étaient pas linéaires, mais elle faisait de son mieux et ses amis l’encourageaient comme ils le pouvaient.

« J’essaie d’ignorer la vision que la créature m’envoie de mon corps, avait-elle expliqué à ses amis. C’est très dur, mais j’essaie. Je me dis qu’elle finira par comprendre que ça sert plus à rien et partir. »

Et mine de rien, les visites régulières de son père aidaient aussi la famille. Sa mère avait enfin signé pour un emploi à mi-temps comme secrétaire médicale, et même si elle faisait toujours de longues siestes, elle se remettait à discuter avec son entourage et passait plus de temps avec sa fille et Leo. Ce dernier ne parlait toujours pas, mais il dormait mieux et ne dessinait plus ses visions cauchemardesques sur ses cahiers.

La ruche perdait du pouvoir.

Un dimanche mi-décembre, les parents de Chloe étant absents, la jeune fille proposa de réunir tous ses amis chez elle pour leur annoncer que Finnley prévoyait de passer le nouvel an chez eux. Seule Rose déclina, comme elle passait la journée avec son père.

En attendant, Chloe avait hâte de partager la nouvelle avec le reste de la bande. Elle était encore en train de préparer des jus de fruits et des gâteaux pour tout le monde quand Andrew se présenta en premier. Vint ensuite Dean, mais Jade et John avaient du retard. Au bout d’un moment, lassée d’attendre, Chloe lança les hostilités en mangeant un premier cookie. Ses deux amis suivirent et, à cet instant précis, on entendit frapper à la porte. Tout en riant, Chloe, ouvrit en lançant à la volée :

« Ah bah enfin, on… »

Elle se tut. C’était John qui se tenait là, l’air grave. Sans attendre qu’on l’y invite, il entra.

« On a un problème. »

Tous les trois se tournèrent vers lui, inquiets.

« Mon oncle devait me déposer chez toi, et je lui ai demandé si on pouvait passer chercher Jade pour l’emmener aussi. Mais quand on est arrivés chez elle, elle y était pas.

– Elle est peut-être partie se balader, et elle a oublié notre réunion ? hasarda Dean.

– Non, non, c’est autre chose, poursuivit impatiemment John. Ses parents m’ont dit que vendredi soir après les cours, elle a fait son sac, et qu’elle est partie en disant qu’elle dormait chez toi, Chloe.

– Quoi ? Mais, elle est jamais venue ?

– C’est bien ça, le problème. Elle est nulle part. J’ai essayé de l’appeler, mais son téléphone est coupé. Jade a disparu. »

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