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Les Envahis, 8 : Troubles du sommeil

Durant la semaine qui suivit, Dean se mit à traîner avec le petit groupe au lycée. Il s’asseyait à côté de Jade en cours et avait même commencé à travailler avec elle sur un exposé. Peu à peu, il s’habituait à son excentricité et à son comportement étrange qui avaient pourtant grandement contribué à sa solitude au sein du lycée.

Mais contrairement à ce qu’il avait imaginé, elle avait refusé de lui raconter sa fiction. 

« Je préfère pas. Tant que les autres t’auront pas raconté tout ce qui s’est passé dans le groupe, du moins. »

C’était compréhensible. Dean n’insista pas et il ne tenta même pas de trouver le blog de Jade sur Internet avec les bons mots-clés. Il préférait attendre, par respect pour eux, même si c’était frustrant.

Ainsi le mois de septembre touchait à sa fin. Le temps se rafraîchissait et le vent soufflait plus fort que jamais. Même Dean, que son ancienne ville n’avait pas habitué à se couvrir, n’eut bientôt plus le choix.

Ce vendredi-là, John lui avait demandé de venir à la grange au cas où il aurait envie de parler. La chose dans son champ de vision ne s’était pas beaucoup manifestée depuis qu’il l’avait vue lorsqu’il était seul chez lui, mais il ne se sentait pas rassuré pour autant.

Grâce à un cours annulé, Jade et Dean étaient partis du lycée plus tôt que d’habitude. Ils avaient donc largement le temps avant que John et Andrew ne se rendent à la grange pour leur réunion. Alors que son amie était rentrée chez elle pour écrire, Dean décida de se balader dans Stonevalley sans but.

Alors qu’il errait dans le village, il se rappela qu’il n’avait jamais visité ce qu’il appelait le « quartier riche », cet amas de maisons modernes et d’un blanc immaculé dont la présence l’avait frappé la première fois qu’il était passé devant. Il retrouva le chemin de mémoire, curieux de voir à quoi ressemblaient ces habitations vues de près.

Une fois parvenu à cet endroit, Dean ne remarqua rien de particulier. Les maisons étaient en fait tout à fait banales. Elles détonnaient simplement avec le reste du village et ses constructions de bois, de tôle et de pierre. On avait l’impression de passer d’un siècle à l’autre en arrivant ici.

N’ayant rien à y faire, Dean fit demi-tour lorsqu’il s’aperçut que la porte d’entrée d’une des maisons était ouverte et qu’une fille de son âge se tenait juste devant. Les bras croisés sur la poitrine, elle était vêtue d’un simple jean et d’un pull en laine blanc. Si l’impressionnante chevelure de Jade ressemblait à une crinière, les cheveux de cette fille-là n’avaient rien à leur envier. À la différence que ses grandes boucles blondes semblaient parfaitement coiffées et lui tombaient en une harmonieuse cascade jusqu’au milieu du dos. La jeune fille avait un visage fin et un air autoritaire, et elle fixait Dean d’un regard perçant.

Lui qui était timide et si peu doué en contacts sociaux eut l’impression de se liquéfier sur place. Pourquoi cette jeune fille le regardait-elle comme si elle lui en voulait terriblement ? Et pourquoi ne l’avait-il jamais croisée au lycée ?

Alors qu’il allait essayer de la saluer maladroitement, elle rentra dans sa maison en claquant la porte. Le bruit sourd fit sursauter Dean qui traça son chemin en essayant de ne plus penser au regard implacable de l’inconnue.

De toute manière, il allait bientôt être l’heure de rejoindre la grange des Calligan.

Au même moment à Woodglades, un adolescent venait de fermer le plus silencieusement possible la porte d’entrée de sa maison. Ses chaussures retirées, il courut discrètement vers sa chambre au premier étage en essayant d’éviter ses parents. Il n’avait pas la moindre envie de leur parler, et il n’avait de toute façon pas beaucoup de temps devant lui : il devait se rendre à la grange pour dix-sept heures.

Il déposa ses affaires de cours à la hâte sur son lit et redescendit les escaliers prudemment.

« Andrew, c’est toi ? »

Il soupira. Comme d’habitude, il n’avait pas réussi à y échapper.

« Andrew, descends tout de suite ! »

Sachant pertinemment que ses parents n’accepteraient pas qu’il reporte la discussion, il obéit. Mais il savait ce qu’il allait entendre. Son père était assis à la table de la cuisine et l’attendait, l’air préoccupé. Sa mère le rejoignit à la hâte lorsqu’elle s’aperçut que son fils était descendu.

« Andrew, tes résultats scolaires ne sont pas bons, commença son père.

– Comment vous pouvez me dire ça à la fin du mois de septembre ?

– Tu as déjà eu quelques notes… Et tes professeurs nous l’ont confirmé. Tu t’investis très peu. C’est le début du lycée Andrew, c’est important…

– Vous êtes déjà allés les voir ! »

Andrew était sincèrement étonné. Ses parents avaient toujours été sur son dos, mais là, ils avaient fait fort.

« Tu détournes la question !

– Quelle question ? rétorqua-t-il, excédé. »

Sa mère soupira, visiblement très agacée.

« Là, j’ai gaffé, songea le lycéen. »

« Tu sais très bien ce que je veux dire ! Andrew, ressaisis-toi ! »

Il sursauta. Son père avait brusquement élevé la voix et tapé du poing sur la table. Il allait devoir s’y prendre autrement pour les adoucir.

« Je sais, je suis désolé… Mais j’ai pas trop la tête à ça… Je vais faire des efforts.

– Tu n’as jamais la tête à ça ! Ça commence à bien faire ! »

Andrew soupira et baissa les yeux. Il aurait tellement aimé que ses parents s’aperçoivent qu’il allait mal, qu’ils s’intéressent enfin à son problème, qu’ils cessent ne serait-ce qu’une seconde de lui faire des reproches pour être plus compréhensifs. Qu’ils se posent enfin les bonnes questions.

Mais cela n’arriverait jamais.

Andrew tenta d’écourter le sermon. Tout en sachant à quel point c’était risqué.

« Je dois partir… Ils m’attendent à la grange.

– Quoi ? Tu traînes encore avec ceux-là ?

– Oui, on a un nouveau et…

– Je m’en fiche, Andrew ! martela son père. J’en ai assez que tu traînes avec ces déséquilibrés ! »

Déséquilibrés ? Cela allait bien trop loin ! Andrew eut un mouvement de recul, piqué au vif. Il avait beau craindre la colère de ses parents, il détestait lorsque ceux-ci insultaient son groupe d’amis et était bien décidé à ne pas laisser passer ça.

« Déséquilibrés ? T’as pas le droit de dire ça !

– Ouvre les yeux, Andrew. Jonathan, il est orphelin, c’est évident qu’il est instable. Et cette Jade et cette Chloe n’ont pas l’air mieux. Et je ne te parle même pas de ce Peter avec qui tu traînais !

– Vous ne savez rien de Peter !

– Oh si, c’était un garçon déséquilibré, et extrêmement mal élevé, trancha sa mère d’un ton dédaigneux. »

Andrew ne savait plus quoi répondre. Le débat était stérile, de toute manière. Ses parents avaient toujours été méprisants envers ses amis. Ils auraient sûrement préféré qu’il fréquente les élèves les plus forts de sa classe, ceux avec qui évidemment, l’adolescent n’avait pas la moindre affinité.

« En fait, ils sont méprisants avec énormément de gens. Pas seulement mon groupe d’amis, pensa-t-il. »

Il espéra un court instant que le sermon était terminé. Pour une fois, ses parents n’avaient même pas évoqué Matt…

« Quand je pense à notre pauvre petit Matthew, ça me fait peur… »

Andrew retint un rire nerveux. Encore une fois, il avait pensé trop vite.

« Quoi, Matt, qu’est-ce qu’il a ? Il a que onze ans, il les voit jamais !

– Et alors ? Tu as quand même de l’influence sur lui ! La dernière fois, tu lui as conseillé de ne surtout pas dormir sur le dos pour des raisons complètement tordues. Depuis, il est terrorisé à l’idée de voir des monstres la nuit ou je ne sais quoi, et il dort très mal ! Il faut que tu sois un modèle pour ton frère ! Pas que tu l’effraies avec tes conneries ! »

Andrew soupira. Lui qui avait pourtant demandé à son frère de ne rien dire aux parents… Il tenta d’esquiver le sujet en reparlant de ses amis.

« Vous savez, ils m’aident à réviser. Mes amis de la grange. »

Il ne mentait pas vraiment. L’an dernier, une fois de temps en temps, la bande des Envahis se réunissait dans la lande et chacun essayait d’aider les autres dans sa matière de prédilection. Avec Dean qui venait d’arriver et avait sûrement ses points forts lui aussi, Andrew espérait que ces séances qu’il trouvait motivantes reprendraient.

« Bon, alors je vais te laisser continuer à aller à tes réunions bizarres, décréta son père. À une condition : que tu me prouves que tes soi-disant séances de révisions sont vraiment utiles. Je veux que ça se ressente dans tes résultats. Compris ? »

Andrew acquiesça. Il ne s’en sortait pas si mal. Sa mère ajouta :

« Et puis, si je me souviens bien, ils sont tous en deuxième année. Ils devraient largement avoir le niveau pour t’aider. »

Ses parents semblèrent enfin à peu près apaisés et Andrew put sortir de la maison, direction la grange. Heureusement pour lui, ils ne savaient pas que Chloe et John avaient déjà redoublé une classe, sans cela le sermon aurait pu durer un bon quart d’heure supplémentaire.

Andrew fut sans surprise le dernier arrivé. Jade était en train de discuter avec Dean au fond de la pièce, et John feuilletait son carnet à dessins sans se soucier d’eux.

« Encore une fois, Chloe n’est pas venue, songea-t-il. »

Lorsqu’il referma la porte, le bruit attira l’attention des trois adolescents qui tournèrent la tête vers lui et lui sourirent.

« Désolé pour le retard… Vous connaissez mes parents… »

Jade et John acquiescèrent, compatissants, tandis qu’Andrew tentait d’expliquer la situation à Dean en lui dépeignant le comportement et l’obsession de ses parents quant à ses résultats scolaires.

« Mon père fabrique des meubles et ma mère est serveuse à l’hôtel de Wideshore en été, raconta-t-il. En gros, ils mènent pas la vie qu’ils voudraient, si on peut dire. Alors ils passent leur temps à envier les autres et à regretter le temps où tout était possible, comme ils disent. D’après eux il faut que je vise plus haut que ça, alors ils sont à la limite du harcèlement par rapport à mes notes et mes appréciations. »

Dean hocha la tête, incapable de trouver quelque chose de pertinent à dire pour consoler son ami. Il opta pour une question, espérant détendre l’atmosphère et parler d’autre chose :

« Mais toi, qu’est-ce que tu voudrais faire ?

– Eh bien… J’aime bien travailler le bois, moi aussi. J’aimerais bien… créer des jouets, ou des petits objets pour les vendre… Mais bon, c’est clairement pas à la hauteur de ce que mes parents attendent de moi. »

Andrew soupira et préféra changer de sujet :

« Bon sinon, quoi de neuf par ici ?

– Eh bien, répondit Jade avec son excitation habituelle, j’étais en train de raconter à Dean qu’il existait des milliers de formes d’entités, et des trucs bien pires que les nôtres ! »

Andrew et John échangèrent un regard inquiet. Jade s’était vraiment laissée emporter. Mais avant qu’ils n’aient le temps de réagir, elle recommença à débiter ses informations à toute vitesse :

« Pour l’instant Dean, de ce qu’on connaît, le pire c’est : les poltergeists, les doppelgängers et les démons, énuméra-t-elle en comptant sur ses doigts. En fait les poltergeists c’est comme des fantômes, mais…

– Jade…, tenta vainement Andrew.

– Mais ils ont beaucoup plus d’énergie ! Et généralement, ils sont pas commodes !

– Jade, s’il te plaît ! »

John avait beau être un peu petit pour son âge, sa voix pouvait porter lorsqu’il le désirait. La jeune fille s’interrompit net et il poursuivit :

« C’est pas vraiment le moment de parler de ceux-là, tu crois pas ? »

Jade eut d’abord l’air surpris.

« Oui, t’as raison, admit-elle. On en parlera une autre fois. »

Dean se sentit frustré. De quoi essayait-on encore de le préserver ?

« En attendant si tu veux… Je peux te raconter comment j’ai eu tout ça. »

Dean se tourna vers Andrew, qui avait remonté les manches de son gilet. Il avait une petite cicatrice sous le coude gauche, de quelques centimètres. Une autre parcourait presque tout son avant-bras droit. Et visiblement, ce n’étaient pas les seules.

« C’est mon… entité, qui m’a fait ça. Pour le coup, le terme d’envahisseuse lui va assez bien. »

Dean resta muet. Des milliers de questions se bousculaient dans sa tête. Il n’en prononça qu’une seule :

« Mais quel genre de truc a bien pu te faire ça ? »

La première fois, il avait dix ans. C’était un samedi vers neuf heures du matin. Andrew avait pris l’habitude de ne pas tirer ses rideaux en entier, et les pâles rayons du soleil de janvier s’infiltraient progressivement dans sa chambre.

Andrew venait de se réveiller et comptait se lever bientôt. Seulement, il se trouvait dans ce drôle d’état que l’on appelle le demi-sommeil – ou sommeil paradoxal. Il sentait que son corps était endormi et ne pouvait le bouger, mais il était pleinement conscient. Allongé sur le dos, il se dit qu’il allait se rendormir ou se réveiller pour de bon comme à chaque fois. Mais il n’en fut rien, son corps était comme paralysé. Il avait beau essayer de bouger, de parler… Rien à faire, ses muscles ne réagissaient pas. Il mit une dizaine de minutes à en reprendre le contrôle avant de se lever, encore sous le choc de cette étrange expérience.


Paralysie du sommeil. Il avait mis un nom sur ce phénomène après une recherche sur Internet. Il comprit que c’était normal et qu’il n’y avait pas à s’inquiéter. Du moins, le croyait-il.

Seulement, le phénomène se reproduisit. Et les fois suivantes, Andrew commença progressivement à apercevoir une ombre menaçante dans le coin de sa chambre, et plus effrayant encore : cette ombre se déplaçait lentement vers lui pour venir le fixer, s’arrêtant tout juste à quelques centimètres de son visage. Il entendait son souffle étrange, sa respiration rauque qui lui donnait d’incontrôlables frissons.

Après une seconde recherche, Andrew fut soulagé de constater qu’il n’était pas le seul. Les paralysies du sommeil s’accompagnaient parfois, voire souvent, d’hallucinations provoquées par un cerveau en détresse qui ne savait comment réagir face à la paralysie du corps. Il apprit également que ces paralysies survenaient le plus souvent lorsque les personnes dormaient sur le dos. Andrew en conclut qu’il devait s’allonger sur le côté le soir pour mettre fin à ces cauchemars, mais il bougeait beaucoup pendant son sommeil, et cela fut inefficace. Puis, de toute façon, ce qui se produisit par la suite rendit tous ses efforts parfaitement inutiles.

Il commença à l’apercevoir même lorsqu’il ne dormait pas.

En pleine journée, le soir… Aucun des sites internet qu’il avait consultés précédemment ne lui donna de renseignement sur le sujet. Il fit de nombreuses recherches complémentaires avant de découvrir que ce qui ressemblait le plus à cette chose envahissante n’était ni plus ni moins qu’un croque-mitaine. Une créature sortie tout droit de l’imaginaire pour effrayer ou punir les enfants.

Au début, il ne fit que la voir de plus en plus souvent. Puis il remarqua des choses étranges. Des objets qui disparaissaient pour réapparaître ailleurs. Une vis qui se dévissait, du savon renversé sur une marche de l’escalier, un barreau mal fixé sur une échelle…

Ce que ses parents prenaient au début pour du vandalisme de voisinage était en réalité le fruit de cette chose qui hantait leur fils. La famille d’Andrew finit par comprendre que les habitants du village n’avaient pas une once de méchanceté en eux. Ils crurent donc à des accidents répétés avant d’oublier ces histoires, car Andrew prévoyait toujours le coup et réparait les choses défectueuses ou nettoyait les endroits glissants avant qu’un membre de sa famille ne tombe dans le piège. Il devait en permanence vérifier l’état de tout ce que ses parents utilisaient le plus souvent. Le jour où son père se fractura le bras en tombant du haut d’une échelle à cause d’un barreau un peu trop fragile, le croque-mitaine se lassa de ce petit jeu. Craignant le pire pour la suite, Andrew tenta de le supplier de laisser son jeune frère en dehors de tout ça, sans savoir à qui ou à quoi s’adresser. Et étrangement, le croque-mitaine obéit… mais il s’en prit alors exclusivement à Andrew.

Il apparut encore plus souvent. Forme noire et indéfinissable, changeante, avec deux petits yeux étranges et gris. Un jour où Andrew montait les escaliers vers sa chambre, il eut un mauvais pressentiment. Lorsqu’il arriva en haut et leva la tête, elle était là. Des bras jaillirent sans prévenir de ce corps informe et le poussèrent en arrière.

Il se réveilla deux jours plus tard à l’hôpital. Le choc avait été violent : le garçon s’en tira avec une commotion cérébrale, un bras cassé et une fracture à la jambe droite. Ainsi que sa fameuse cicatrice au coude à cause d’une vis qui dépassait. Après cela, l’envahisseur se calma. Peut-être avait-il compris que sa victime était fragile et ne durerait pas bien longtemps s’il s’y prenait ainsi.

Andrew tenta d’en parler à ses parents, qui ne le crurent évidemment pas, mais qui le sermonnèrent une énième fois car ses professeurs leur avaient rapporté qu’il était moins attentif qu’avant en classe. Complètement seul face à une chose qui le dépassait, le garçon se renferma sur lui-même et ne se fit aucun ami.

Rien ne faisait partir la chose. Les mois s’écoulèrent, puis les années, et Andrew avait appris à vivre avec. La plupart du temps, il ne se produisait que des incidents minimes : quelque chose qui lui tombait dessus, ou qui le poussait lorsqu’il marchait. De quoi lui pourrir la vie, à petite échelle. La plupart du temps du moins. Concernant les autres fois, ses cicatrices parlaient d’elles-mêmes.

C’est au mois de janvier de sa dernière année de collège qu’il rencontra John. Le père d’Andrew était en train de terminer de vernir un meuble dans la boutique de Woodglades où il travaillait. Ce jour-là, comme Andrew était en vacances, son père l’avait emmené avec lui afin de le sortir un peu, mais l’adolescent commençait à s’ennuyer.

Puis John et son oncle étaient entrés dans le magasin. Harold avait besoin d’un nouveau bureau et John était venu avec lui pour le conseiller et choisir avec lui.

Andrew s’étonna de ne jamais avoir rencontré ce garçon avant et se força à aller lui parler, intrigué. Il apprit alors que John ne sortait pas beaucoup de chez lui et que la plupart du temps, il ne s’éloignait guère des terres de son oncle. Quant à ses temps libres entre les cours, il les passait à la bibliothèque à lire. Les deux garçons auraient donc eu assez peu de chance de se rencontrer, même à l’époque où John fréquentait encore le collège de Stonevalley. Ils avaient dû se croiser une dizaine de fois sans se parler, tout au plus. Ce qui ne suffisait pas à John pour repérer une personne Envahie.

Mais cet après-midi-là, à la boutique, le neveu du fermier comprit que ce garçon avait quelque chose de spécial. Il avait la même aura autour de lui que cette vieille dame qui fabriquait et vendait des bonbons à Stonevalley, et qui lui en donnait toujours gratuitement lorsqu’elle le voyait – faveur qu’elle n’accordait à presque personne d’autre, semblait-il. Cette fameuse aura.

Les deux garçons devinrent rapidement amis et se confièrent l’un à l’autre. Leur amitié incita John à sortir plus souvent, et il commença à traîner dans la cour de récréation à la pause. Il s’était donné une sorte de mission : trouver d’autres personnes Envahies et leur parler pour les réunir.

En observant minutieusement les lycéens qui l’entouraient à s’en fatiguer les yeux, John finit par trouver les futurs membres du groupe.

« J’ai d’abord repéré Jade au lycée, expliqua-t-il alors qu’Andrew avait terminé son histoire. Je suis allé lui parler, et notre duo est devenu un trio. Ensuite, quand Chloe s’est remise de ses problèmes de santé et qu’elle est revenue au lycée, elle s’est jointe à nous. Puis il y a eu… quelqu’un d’autre. Et quelques mois après, te voilà… Dean. »

Quelqu’un d’autre… Dean repensa au nom rayé au stylo sur la poutre. Peter Denver. Mais, la gorge serrée, il n’osa pas demander la moindre précision.

Puis il releva la tête, encore bouleversé par l’histoire d’Andrew. Tout le monde s’était tu. Sentant le trouble de ce jeune nouveau qui entendait cet horrible témoignage pour la première fois, Andrew lui donna une tape dans l’épaule en riant.

« Allez Dean, remets-toi ! Je le vis pas si mal, et je sais qu’il y a bien pire que ça. C’est juste… des troubles du sommeil. »

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