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Les Envahis, 9 : Amitié exclusive

Le premier jour d’octobre, la famille Way reçut dans sa boîte aux lettres un petit tract les invitant à participer à la fête des quatre villages à la fin du mois. Le papier stipulait que c’était à Stonevalley que revenait l’honneur d’organiser l’événement cette année, et que l’on devait donner sa réponse avant le week-end suivant.

Si on lui avait demandé un mois plus tôt s’il voulait y participer, Dean aurait refusé. Aujourd’hui, c’était différent. Il commençait à lier une véritable amitié avec John, Andrew et Jade, qui avaient prévu de s’y rendre, et cela changeait considérablement la donne. Lorsque ses parents lui confièrent le tract, il cocha immédiatement la case : « 3 personnes ». Et l’après-midi même après les cours, il la glissa dans la boîte aux lettres de la mairie sans descendre de son vélo.


Ce samedi-là, aucune réunion n’était prévue à la grange. John était chez lui, à faire des exercices conseillés par son kinésithérapeute. Dean devina que cela avait un rapport avec sa jambe qui boitait encore aujourd’hui, des années après cet accident dont il ne lui avait pas encore parlé, et n’insista pas pour en savoir plus. Mais après avoir rempli sa mission, celui-ci se rendit tout de même à la ferme des Calligan au fil de sa promenade à vélo, gagné par l’ennui. Il ne comptait pas déranger John ni son oncle, simplement visiter le domaine.

Comme on était en week-end, il ne croisa pas non plus son père, ni aucun employé à première vue. Mais alors qu’il s’approchait de la grange, il aperçut quelqu’un au loin, immobile. Dean se mit à pédaler plus vite, intrigué par cette personne qui semblait fixer le bâtiment. Elle lui faisait penser à lui quand deux mois plus tôt, il était venu ici pour la première fois.

Il freina un peu brusquement lorsqu’il s’aperçut qu’il s’agissait de la jeune fille qui l’avait toisé depuis sa maison la veille. Il voulut faire demi-tour mais elle avait déjà tourné la tête vers lui, alertée par le crissement des pneus du vélo contre les cailloux du chemin.

Il resta immobile un instant, à se demander s’il ferait mieux de partir sans rien dire ou d’essayer d’initier le contact. Mais elle coupa court à ses interrogations.

« Salut. Tu dois être Dean. »

Dean eut un petit sursaut, surpris. Comment savait-elle qui il était ? Il pédala doucement jusqu’à arriver à sa hauteur pour lui répondre.

« Oui, c’est ça. Et toi…?

– Chloe. Tu as peut-être entendu parler de moi. Et on s’est vus hier. Désolée si j’ai pu te paraître un peu… froide. Je savais pas comment t’aborder et… je suis un peu à fleur de peau en ce moment, on va dire.

– C’est rien, t’en fais pas. »

En réalité, ce n’était pas rien. Dean avait malheureusement tendance à tout prendre pour lui et surtout, à ne rien oublier. Il était un peu trop sensible, et il avait du mal à passer à autre chose lorsqu’il rencontrait un conflit avec quelqu’un, aussi minime soit-il.

« Je suis aussi désolée de pas être venue aux dernières réunions pour t’accueillir. Je me sentais pas très bien, j’ai raté pas mal de cours ces derniers temps. Ils t’ont raconté leur histoire, je suppose ?

– Oui. Enfin… John, pas encore. Mais les deux autres m’ont tout dit.

– Peut-être pas tout, répondit-elle d’un ton détaché et énigmatique. »

Puis avant qu’il n’ait le temps de poser la moindre question, elle enchaîna :

« Et toi, qu’est-ce qui t’arrive ? Enfin, tu vas pas me raconter ça perché sur ton vélo au milieu du chemin, pas vrai ? Viens, on va s’asseoir quelque part et discuter un peu. Si t’as le temps. »

Dean la suivit à pied en poussant son vélo alors qu’elle marchait jusqu’au bout du chemin. Puis une fois arrivée à un muret de pierres recouvertes de mousse, elle poussa un vieux portail de bois au vernis craquelé et ils débarquèrent sur la lande, dans un endroit qui n’était pas clôturé.

« Le no man’s land, comme on l’appelle. On avait l’habitude de faire nos devoirs ici l’an dernier, expliqua Chloe. »

Dean laissa son vélo contre le muret avant de fouler l’herbe de cette zone de la lande pour la première fois. Chloe s’assit contre un arbre sur un petit banc très rudimentaire. En réalité, quelqu’un avait juste posé quelques pierres les unes contre les autres de manière à leur donner la forme d’un banc. Mais l’absence de mousse sur celles-ci prouvait que ce siège improvisé n’était pas tombé dans l’oubli. Dean préféra s’asseoir en face d’elle à même l’herbe, trouvant qu’il serait plus facile de discuter face à face.

« Alors, il t’arrive quoi, à toi ? demanda-t-elle en triturant machinalement le bracelet de sa montre. »

Dean tenta de résumer brièvement les apparitions dont il était témoin à Chloe. Elle s’était assez peu manifestée depuis la fois où elle était apparue après la chute de son sac, mais elle n’avait pas disparu pour autant. Il était impossible de l’oublier ne serait-ce que pour une journée. Il y avait souvent quelque chose dans son champ de vision, et Dean était le plus souvent incapable de déterminer s’il s’agissait oui ou non d’une hallucination. Il faisait simplement de son mieux pour y penser le moins possible afin de ne pas se pourrir la vie.

« Ah ouais, je vois. T’as pas l’air d’avoir une entité très… envahissante, mais je veux surtout pas minimiser ce que tu peux ressentir, t’inquiète pas. Je sais ce que ça fait d’être tout le temps…

– Sur le qui-vive ?

– On peut dire ça. Et d’avoir l’impression d’être observée en permanence. »

Durant un instant, plus personne ne parla. On n’entendait plus que le bruit du vent dans les feuilles et au loin, Dean aperçut quelqu’un qui sortait de l’étable des Calligan, visiblement très chargé. Pendant un court instant, il se demanda ce qu’il pouvait bien être en train de faire avant de se retourner à nouveau vers Chloe. Celle-ci restait pensive et il ne lui demanda rien : il sentait qu’elle allait se lancer d’elle-même. Et il avait raison.

« Mais non, il ne faut pas vous inquiéter. Beaucoup d’enfants le font !

– Même à son âge ?

– Elle n’a que neuf ans. Ça lui passera, ne vous en faites pas. »

Assise au fond de la pièce, la petite fille dessinait, lassée par les incessants bavardages de ses parents et de celle qu’ils appelaient la « psy ». Elle avait cessé de les écouter depuis un moment déjà. De toute façon, ses parents ne faisaient que contredire ou questionner davantage la professionnelle de santé, tandis que celle-ci répondait toujours avec des expressions étranges que la fillette ne connaissait pas, telles que « mécanisme tout à fait classique », « moyen de pallier la solitude », ou encore « développement accru de l’imagination ».

Voilà qui était tout à fait barbant pour une fillette de neuf ans, forcée d’accompagner ses parents à chaque séance. Surtout qu’elle n’avait pas l’impression d’avoir le moindre souci.

« Chloe est une petite fille très intelligente, et je ne me fais pas de souci pour elle. C’est la première de sa classe et elle a cent idées à la minute. Je suis presque sûre qu’elle est surdouée. Ses professeurs l’adorent, vous savez.

– Et les élèves, un peu moins, lança le père d’un ton sarcastique. »

La psychologue ne se laissa pas désarçonner.

« Je suis sûre qu’elle parviendra à se faire des amis, monsieur Jordan. »

La discussion reprit de plus belle. Chloe soupira tout en coloriant son dessin au feutre en prenant soin de ne pas dépasser.

« Là, c’est papa et maman, murmura-t-elle en désignant du doigt deux poules qu’elle venait de terminer. »

Elle se mit à pouffer. La semaine passée, elle avait lu dans un roman pour enfants l’expression « maman poule ». Après en avoir demandé la définition à sa mère, elle s’était sentie obligée de l’illustrer. Et elle ne pouvait s’empêcher de rire en voyant le résultat, sans pour autant réaliser à quel point l’expression était vraie dans son cas.

Les deux poules blanches prenaient plus de la moitié de la feuille. Énormes, elles avaient toutes les deux les cheveux blonds du couple Jordan, et Chloe avait même pensé au sac à main de sa mère et aux lunettes de son père.

« Très réussi, non ? »

Elle se retint de rire à nouveau, de peur que cela ne la fasse déborder alors qu’elle terminait de colorier un autre personnage, une petite fille blonde à bouclettes vêtue d’une robe bleue.

« Ça c’est moi, mais ça se voit carrément. »

Elle hocha la tête comme si elle cherchait à s’en convaincre elle-même, tout en faisant deux gros points verts pour ses yeux.

Ce dessin ressemblait à n’importe quel dessin d’enfant. À première vue, il n’y avait pas de quoi s’alarmer. Chloe avait l’air d’une enfant tout à fait normale, qui tuait le temps pendant que les grands discutaient de choses sérieuses quelques mètres plus loin. Mais dans un coin de la feuille, derrière les poules, se dressait un bonhomme étrange, aux bras et aux jambes un peu informes. Mais ce n’était pas là un défaut de la jeune dessinatrice car d’ordinaire, les personnages qu’elle traçait sur le papier avaient des membres tout à fait normaux. Non, cette déformation était bien volontaire. Et ce personnage était la raison de la présence des Jordan dans le bureau de cette psychologue.

Chloe cacha un côté de la feuille de son bras, à la façon d’un élève qui refuse que son voisin de table copie sur lui. Puis elle se mit à colorier ce drôle de personnage entièrement en gris, sans oublier de faire de petits points noirs à la place des yeux. Satisfaite du résultat, elle reboucha son feutre et se mit à trépigner sur place. Enfin, elle se tourna vers la petite chaise vide à côté d’elle, son dessin à la main. Et elle chuchota :

« Et là, c’est toi. »

À cet instant précis, la mère de Chloe s’était tournée vers elle pour l’observer à la dérobée. Elle vit sa fille qui montrait son dessin au vide en souriant, toute fière d’elle. Et elle eut un désagréable frisson d’horreur.

Parce qu’elle avait presque l’impression que le vide lui souriait en retour.


« Est-ce que t’es fâchée parce que je t’ai dessinée en poule ?

– Non, ma chérie.

– Alors… est-ce que t’es fâchée parce que papa s’est disputé avec la psy ?

– Non, ma chérie. Et puis tu sais, papa ne s’est pas disputé avec elle. C’est juste que… elle ne nous dit pas tout à fait ce qu’on voudrait entendre, c’est tout.

– Alors… t’es fâchée parce que j’ai montré mon dessin à Ernest ? »

Sa mère soupira en passant sa main dans ses cheveux, puis réfléchit avant de répondre :

« Je ne suis pas fâchée, mon cœur. Tu peux lui montrer ce que tu veux. Maintenant s’il te plaît, monte dans la voiture, ton père doit vite retourner travailler après manger. »

La petite fille s’exécuta, serrant contre elle sa nouvelle œuvre, puis s’attacha toute seule au siège rehausseur. Tandis que la voiture filait vers la maison, Chloe se demanda pour la énième fois pourquoi elle était la seule fille de sa classe à ne pas manger à la cantine.

« Un comportement tout à fait classique… Un mécanisme parfaitement courant pour pallier la solitude… Je t’en foutrais, moi ! Je pense que c’est justement à cause de ça qu’elle est toute seule en classe, et pas l’inverse ! Mais elle veut rien entendre cette psy à la…

– Ryan, s’il te plaît… Je sais, tout ça. Et ça m’inquiète autant que toi. Un ami imaginaire, d’accord, c’est fréquent… Mais c’est pas normal…

– Qu’il occupe autant de place, compléta-t-il.

– Exactement. Elle en parle vraiment tout le temps. Et parfois… j’ai presque l’impression qu’il est là, avoua-t-elle, ses bras se couvrant de chair de poule malgré elle. »

Cette remarque excéda son mari :

« Lauren, arrête ces conneries ! Ça n’aide pas, là. Il faut tout simplement qu’on lui trouve un vrai psy pour la débarrasser de ses idées bizarres. Quitte à aller plus loin. Il y en a peut-être des bons à Newdale.

– T’as sûrement raison… Newdale, c’est pas si loin. »

Le couple s’interrompit en s’apercevant que Chloe venait de pénétrer dans la cuisine, sa peluche de chat préférée à la main. Elle était descendue les écouter depuis un moment, persuadée qu’ils parleraient d’elle et curieuse de savoir ce qu’ils allaient bien pouvoir dire à son sujet. Mais comme la psy, ils employaient ces mots auxquels elle ne comprenait rien.

« J’arrive pas à dormir. Ernest m’ennuie, il fait que de parler. »

Lauren s’avança vers elle et s’agenouilla à son niveau.

« Chloe, il est vraiment tard tu sais… Et qu’est-ce que tu fais pieds nus sur le carrelage ? Remonte dans ta chambre, je t’apporte un lait chaud. File, ma grande. »

La petite fille s’exécuta et remonta les marches en courant. Après avoir fermé la porte de sa chambre, elle se mit à paniquer, et elle s’adressa à nouveau à cette personne assise sur son lit. Cette personne qu’elle seule voyait.

« Ils vont continuer à m’envoyer chez des psys, Ernest. J’aime pas, ça me fait peur. Je veux pas qu’ils te fassent disparaître ! T’es mon seul ami… »

Elle avait les larmes aux yeux lorsqu’elle s’effondra sur son matelas et s’emmitoufla dans sa couette. Elle but le lait chaud que sa mère lui apporta puis s’allongea sur le côté, face au mur. Puis soudainement, elle se redressa et poussa un petit cri de triomphe.

« Super, ton idée ! T’as raison, je vais faire ça. J’espère que ça marchera… Bonne nuit, Ernest. »

Sur ces mots, elle serra fort sa peluche de chat et ferma les yeux. Gagnée par le sommeil, elle ne mit que quelques minutes à s’endormir.

« Et c’était quoi, cette fameuse idée ? »

Dean était captivé par le récit de Chloe, qui prenait une petite pause pour boire un coup et manger quelques biscuits qu’elle lui proposa.

« Un truc tout bête, répondit-elle après avoir englouti un gâteau d’une seule bouchée. En fait, il m’a dit de d’arrêter complètement de parler de lui ou de le dessiner… En bref, d’agir comme s’il était vraiment parti pour arrêter d’attirer l’attention. Très vite, ça a rassuré mes parents qui ont arrêté de m’envoyer chez des psys, pendant que moi… je lui parlais toujours, et je jouais toujours avec dans mon coin.

– Mais tu te faisais toujours pas d’amis à l’école, je suppose ?

– Non, comme tu dis. En fait, comme l’avait dit mon père, c’était à cause de ça, et pas l’inverse. Une fois, John m’a dit que les enfants avaient comme un sixième sens, qu’ils pouvaient ressentir le paranormal. En me voyant, ils savaient que quelque chose n’allait pas. Et personne n’osait me fréquenter. Et le fait que mes parents me laissent jamais sortir, aller à un simple anniversaire ou même juste manger à la cantine… je pense que ça a contribué. »

Dean hocha la tête tout en grignotant. Chloe n’avait pas eu une enfance tout à fait classique. Des parents poules, et un ami étrange…

« Je pourrais même pas te dire à quel moment il est apparu. Ça devait être à une période dont je peux pas me souvenir. Mais je sais que j’ai toujours été convaincue qu’il était vraiment là, que c’était pas juste un ami imaginaire. Et finalement, j’avais raison… J’aurais préféré me tromper. »

Elle pesta à voix basse en s’apercevant que son paquet de gâteaux était vide, puis elle poursuivit :

« Il est pas bien méchant, quoi qu’il puisse être. Le truc c’est que… j’ai l’impression qu’il fait tout pour m’isoler et me garder pour lui. Quand j’étais encore à l’école, John, Andrew et Jade me regardaient même pas. Je les croisais parfois, mais ils me fuyaient. C’est seulement quand John a commencé à nous réunir quand on était en première année de lycée que j’ai pu devenir pote avec eux.

– Pourquoi ? John avait pas vu que t’étais Envahie quand vous étiez à l’école ?

– Hum, je sais pas ce qu’il t’a déjà dit ou non, mais… il n’a pas toujours eu ce don, on va dire. Il l’a obtenu à un moment, c’est tout. »

Dean était surpris. Il pensait que John avait toujours été comme ça, mais qu’il avait décidé de se servir de cette capacité tardivement. Il espérait que le jeune garçon lui raconterait son histoire prochainement afin de tirer cela au clair.

« Enfin, bref. Une fois au collège, les élèves avaient perdu leur sensibilité au paranormal depuis longtemps. Mais ils ont continué à me rejeter, plus par habitude qu’autre chose. Après, je sais pas s’ils te l’ont dit, mais j’ai eu des problèmes de santé. J’ai raté énormément de cours et redoublé ma dernière année de collège à cause de mon traitement. L’année suivante, j’ai tenu à la repasser en suivant les cours par correspondance, contre l’avis de mes parents qui me couvaient comme jamais et qui pensaient que ça allait trop me fatiguer. J’ai pu revenir en cours pour de vrai en avril seulement, presque à la fin de l’année. J’allais déjà beaucoup mieux. C’est là que John m’a trouvée et m’a fait venir dans le groupe. »

Elle se tut un instant, le regard perdu dans le vide, comme si elle repensait à tout ce qui s’était produit depuis cette rencontre. Le bon comme le mauvais. Et à en juger par son regard attristé, il avait dû y avoir quelques expériences désagréables.

Pour détendre l’atmosphère, Dean lui posa une question qui le taraudait :

« Mais… il s’appelle vraiment Ernest ? Parce que quand même, on a vu plus crédible pour une entité flippante… »

Chloe éclata de rire.

« Non, non, pas du tout ! C’est le nom que moi je lui ai donné quand j’étais petite, je venais de le lire dans une histoire et je le trouvais drôle. Mais avec du recul et à l’âge que j’ai aujourd’hui, c’est vrai que ça paraît ridicule.

– Tu me rassures… »

Dean leva la tête et constata que le ciel s’assombrissait. Il n’allait pas tarder à pleuvoir alors, même s’il se sentait bien en sa compagnie, il se vit obligé d’abréger cette conversation.

« En tout cas, je suis content d’avoir pu te parler aujourd’hui. Ça fait toujours du bien de se rendre compte qu’on n’est pas seul dans ce qu’on vit.

– On vit tous des choses très différentes, mais ça nous rapproche. Moi aussi, je suis contente d’avoir pu te parler. »

Elle lui adressa un sourire sincère.

« Tu vas revenir à la grange ? »

Elle réfléchit un instant. Puis elle lui répondit :

« Peut-être… Oui, pourquoi pas. »

Arrivés au portillon, ils se séparèrent et Chloe s’éloigna avec le sourire. Tandis que Dean récupérait son vélo et le poussait jusqu’au chemin, il regarda la jeune fille se hâtant de rentrer chez elle, pressée par l’averse qui se rapprochait. Quelque chose le dérangeait…

Elle n’était pas seule.

Même lui qui n’avait pas le don de John parvenait à le voir, et il comprit mieux pourquoi Chloe faisait autant fuir les élèves lorsqu’elle était petite. C’était comme si une personne anormalement grande et imposante se tenait à ses côtés. Elle était invisible, mais il pouvait ressentir sa présence. Dean avait presque l’impression que la chose humanoïde le fusillait du regard car à son tour, il avait osé s’approcher de sa protégée.

Il ne se sentit tranquille que lorsque la jeune fille fut hors de sa vue. Il enfourcha son vélo et s’empressa de rentrer chez lui, frappé par les premières gouttes de ce début d’averse.


Arrivé à destination, il s’effondra sur son lit après s’être changé. Il s’était pris une véritable douche, pris de court par la météo. Allongé sur le dos les mains sous la tête, il énuméra à voix haute toutes les choses auxquelles lui et son groupe étaient confrontées. Du moins, de ce qu’il en savait.

« Un ami imaginaire pas vraiment imaginaire… Un esprit vengeur réveillé un soir d’Halloween… Un truc absolument terrifiant sorti tout droit d’un cauchemar… Un… shadow people ? C’est bien ce qu’il avait dit… Sans oublier, le don de voir les gens à qui il arrive toutes ces merdes. »

Dean soupira.

« Eh ben, ça fait beaucoup pour un si petit groupe. »

Il tourna la tête pour regarder dehors. Ce mélange de paysages sous la pluie et cette brume qui arrivait lentement de la mer, cela avait presque quelque chose de féerique. Captivé par le panorama qui s’offrait à lui, Dean murmura pour lui-même :

« Tu m’étonnes que Jade soit inspirée, dans un lieu pareil et avec tout ce qui nous arrive… »

Sur ces mots, il se redressa vivement. Il venait de se rappeler une chose que Jade avait dite la semaine dernière à la grange, juste avant qu’Andrew lui raconte son histoire.

« Pour l’instant Dean, de ce qu’on connaît, le pire c’est : les poltergeists, les doppelgängers et les démons. En fait les poltergeists c’est comme des fantômes, mais… »

Mais…? Il se leva d’un bond. Ce n’était peut-être pas encore le bon moment pour lire l’histoire du blog de Jade, mais rien ne l’empêchait de faire ses propres recherches sur les entités qu’elle avait mentionnées ce jour-là.

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