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Nouvelle de rêve : Ça te suivra

Elle ne s’arrêtera jamais.

Je m’appuie contre le mur et tente vainement de reprendre mon souffle, les mains appuyées sur les genoux et la tête vers le bas.

Mais elle est toujours là. Je ne peux pas m’arrêter longtemps, je ne peux pas me reposer. Elle va revenir à un moment où un autre, et qui sait sous quelle forme elle apparaîtra ? Je ne peux me permettre de baisser ma garde. Pas une seconde.

« Ça va ? »

Je relève la tête vers mon amie, toujours essoufflée.

« Ouais. Mais elle est pas partie. Je le sens. »

Elle hoche gravement la tête et m’aide à me redresser. Elle m’a parlé d’une voix tout à fait normale, donc elle n’est pas la chose. La chose en est incapable. Elle n’arrive qu’à émettre des sons étranges, d’une voix étranglée, et elle sait que ça ne fait pas illusion bien longtemps. Alors elle se contente de me suivre, partout où je vais.

Et si elle m’attrapait…

« Viens, on va rejoindre les autres. »

Elle m’entraîne à sa suite dans la pièce principale du manoir, où l’on retrouve tous les autres. Je recompte machinalement… neuf. Le compte est bon mais… si l’un d’entre eux était la chose ? Comme s’ils savaient déjà que je me posais la question, ils se mettent à me parler à tour de rôle.

« On a peut-être trouvé une arme.

– On sait pas si ça va marcher.

– Ça vaut le coup d’essayer.

– Tu pourras peut-être au moins la blesser. »

Je rejoins le cercle pour voir ça de plus près. Ils me croient. Tous, ils me croient. Pour la première fois de ma vie, des gens me croient lorsque je parle de ça. Ça, cette chose qui me suit et ne me lâche pas.

Elle me tuerait.

Je m’approche un peu pour regarder l’arme en question. C’est une sorte de barre de fer creuse, taillée en pointe sur un des bouts. Je ne sais pas si ça peut fonctionner, mais… oui, ça vaut le coup d’essayer.

Je suis persuadée que la clé pour la vaincre est de ne pas en avoir peur d’elle. Il faut avoir foi en soi, alors… si j’ai foi en ce qui peut ressembler à un ridicule bout de ferraille, peut-être qu’elle se transformera en une arme redoutable.

« Tu penses qu’elle est dans le manoir ? »

Je me contente de hocher la tête en soupesant la barre et en la regardant sous toutes les coutures. Je ne le pense pas. Je le sais.

« Tu veux qu’on vienne avec toi ? »

Je raffermis ma prise sur ma nouvelle arme.

« Non, surtout pas. Je vais me débrouiller, c’est après moi qu’elle en a. Et de toute façon vous pouvez pas la voir, alors autant que vous vous mettiez pas en danger en m’accompagnant. Restez ici.

– Fais attention à toi…

– Crie un bon coup si t’as besoin qu’on vienne !

– Je ferai ça. »

Je sens bien qu’elle essayait de plaisanter, mais je n’ai pas trop le cœur à ça. Je dois partir à sa recherche, maintenant.

J’entends ses pas derrière moi

Je fais volte-face au beau milieu du couloir. Rien…? J’aurais juré…

Je ne sais pas depuis combien de temps je tourne en rond dans cette immense demeure. La nuit est tombée depuis le temps, et la plupart des interrupteurs ne fonctionnent pas. Plus je m’avance dans les étages et dans les couloirs aux murs décrépis, plus j’ai le sentiment que je vais rester ici pour toujours.

« T’es où ? »

Je sursaute. Ce cri vient de loin, de si loin qu’il en semble presque étouffé. Je secoue la tête et déglutis péniblement. Je ne dois pas me laisser déconcentrer.

Je reprends ma progression, le silence pesant interrompu par le bruit de mes pas sur le carrelage froid. J’ai atteint la fin d’un couloir, mais à peine ai-je le temps de tourner à droite que j’aperçois un mouvement.

C’est elle.

Elle a bien sûr pris l’apparence de l’un d’entre eux, et me fixe de ses yeux vides, dénués de toute expression. Sa bouche s’ouvre en grand :

« T’es là… »

Cette voix étrange… Je n’ai aucun doute. Je ramène la barre vers moi.

« Arrête de me suivre ! »

Avec une précision qui me surprend moi-même, je lui plante l’arme droit dans la bouche, jusqu’au fond de la gorge, jusqu’à sentir la résistance du mur derrière elle. Elle a une sorte de hoquet et s’effondre avec une lenteur insolente tout en me fixant, de son regard toujours plus dénué toute émotion.

Je retire l’arme d’un geste dégoûté et pousse un soupir. Je fixe un moment ses yeux vides, sa bouche encore grande ouverte. Dieu merci, il n’y a plus assez de lumière pour que les détails macabres de cette scène m’apparaissent clairement.

Je soupire et fais tourner l’arme dans ma main.

« J’espère que j’en ai fini avec toi. »

Je fais immédiatement demi-tour sans plus lui jeter un regard. Je dois prévenir les autres.

J’essaie péniblement de retrouver mon chemin. En arrivant jusqu’ici, je n’ai pas du tout prêté attention à la route que j’empruntais. Où j’avais tourné, où j’avais monté ou descendu des marches… Cet endroit est un putain de labyrinthe.

Je crois entendre les cris de mes amis au loin, qui me cherchent encore, mais je n’ai aucune idée d’où ils proviennent. Je ne prends même pas la peine de répondre. Tout ce que je dois faire, c’est retrouver ce foutu hall d’entrée…

À mesure que je marche dans ces couloirs déserts, l’atmosphère se fait toujours plus oppressante. Et il y a une raison à ça…

Elle est toujours là.

Je resserre la barre de fer. J’en ai fini d’avoir peur de toi. Non, tu ne m’auras pas comme ça.

Je me fige au milieu du couloir. Je l’entends, je l’attends.

« On t’a… »

Je ne lui laisse pas le temps de prononcer un mot de plus. Le déraillement dans sa voix ne me laisse aucun doute. D’un geste plus rapide et plus précis encore que tout à l’heure, je pivote sur mes talons et projette la barre de fer dans la bouche de la créature.

Elle a grossièrement imité une autre de mes amies. Mais ça ne prend plus avec moi. Ces yeux exagérément ouverts, cette parodie de bouche distordue…

Il va falloir faire mieux que ça.

« Tu pensais que t’allais m’avoir comme ça ? »

Cette fois, il n’y a pas de mur derrière elle pour retenir mon geste. Elle pousse un hoquet similaire à la première fois avant de s’effondrer au moment où je retire mon arme pour la deuxième fois.

« Fous-moi la paix, une bonne fois pour toutes ! »

Je me retourne et avise l’escalier en face de moi. Je crois bien que je viens de là. Je crois que je l’ai tuée, cette fois. Je dois retrouver mon groupe d’amis et les rassurer.

Je n’ai toujours pas réussi à retrouver mon putain de chemin.

Je me suis mise à courir dans les couloirs, criant à pleins poumons le nom de mes amis, un par un. Personne ne me répond. J’entends encore un cri étouffé de temps en temps, mais je suis incapable de le localiser. Quel enfer…

Je m’arrête au détour d’un couloir, essoufflée, et je laisse glisser légèrement la barre entre mes doigts pour reposer la pointe au sol. J’ai mal aux pieds, je suis à bout de nerfs et je me sens plus épuisée que jamais. Et le pire dans tout ça, c’est qu’elle n’est toujours pas morte. Je la sens.

Je relève la tête et tente de reprendre mon souffle tout en regardant autour de moi. Je suis persuadée d’être déjà passée par ici. Ça ressemble à l’endroit où j’ai tué… blessé la créature pour la cinquième fois. Ou peut-être que c’était la sixième ? Je ne sais plus…

Un cri glaçant, inhumain, retentit tout près de moi. Reprends immédiatement la barre bien en main, les sens aux aguets.

Je te laisserai pas m’avoir.

Elle me cherche ? C’est moi qui la trouverai.

Je déglutis et joue avec la barre en tapotant la paume de mon autre main.

Elle est tout près.

Je surgis avant elle au détour d’un couloir. Je ne prends qu’une seconde pour observer cette imitation bâclée de mon ami. Elle s’affaiblit, et ça se voit. Ce cri, ce visage déformé par des yeux et une bouche bien trop grands…

Elle en a plus pour longtemps.

« Mais qu’est-ce que t’as…»

Si j’avais eu le moindre doute, cette voix discordante l’aurait balayé.

Je plante mon arme pour la énième fois sans aucune hésitation. Et lorsque qu’elle s’effondre au sol, cette fois, je soupire de soulagement.

Quelque chose me dit qu’elle ne reviendra pas.

Sans prendre la peine de retirer mon arme de son corps sommairement calqué sur celui de mon ami, je m’éloigne d’un pas pressé. Ces escaliers… je crois que cette fois, ce sont les bons.

Je cours sur le reste du chemin, mes pas résonnants dans l’immensité du manoir. J’espère que tout le monde ne s’est pas trop dispersé, ou qu’ils auront leur téléphone sur eux pour qu’on puisse se retrouver tous en bas…

Je n’ai aucun mal à retrouver l’endroit d’où je viens, une fois le premier étage descendu. Et d’un geste presque théâtral, j’ouvre en grand la porte à double battant du rez-de-chaussée.

« Hey, c’est bon, j’ai réussi à…!»

Je cesse net de marcher, confuse. La salle est… complètement vide? Je fais quelques pas, confuse, et appelle des prénoms au hasard.

Pas de réponse.

Je m’assois lourdement sur un fauteuil et me mets et essaye de reprendre mon souffle. Je ne pensais pas qu’ils étaient tous partis à ma recherche. Encore fébrile, je sors mon téléphone de ma poche… plus de batterie, évidemment. Je le lâche à côté de moi dans un soupir frustré.

Je parcours tristement la pièce déserte du regard. Les fauteuils inoccupés, les tic-tac de l’horloge murale qui résonnent presque aussi fort que les battements de mon cœur.

Où est-ce qu’ils sont tous ?

Tu les as tués.

Je secoue la tête. Cette voix masculine étrange qui ne semble résonner que dans ma tête. Elle m’est familière mais…

C’est pas le moment.

C’est toi qui leur as fait ça. Leur seule erreur a été de te croire.

« La ferme ! »

Je me prends la tête entre les mains.

« Tu vas la fermer ? C’était elle ! »

Tu sais très bien qu’elle n’a jamais existé.

Je ferme les yeux en gémissant de détresse.

« Tais-toi… Je sais ce que j’ai vu… »

Tu as vu ce que tu voulais voir.

Je me lève de mon siège en poussant presque un cri de rage et commence à faire les cent pas. Je sais qu’il se trompe, je sais qu’il dit n’importe quoi. Elle existe, et elle m’a manipulée.

C’est elle qui a fait ça. C’est elle qui m’a fait croire qu’elle était là, au détour de chacun de ces putains de couloir, c’est elle qui m’a fait croire que mes amis n’étaient que des copies conformes. Si je les ai tués, c’est uniquement sa faute.

Je me stoppe net devant le couloir que je viens d’emprunter. Plongé dans la pénombre de ce manoir plus austère que jamais, il semble s’étendre à l’infini. Et qui sait ce qui se trouve au fond… Je serre les dents.

« J’en ai pas fini avec toi. »

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