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Nouvelle de rêve : Intact

C’était la journée idéale : pas trop chaude, pas trop froide, pas de pluie. Dans l’après-midi, je suis sortie avec de la famille faire un tour dans le village. Nous avons fini par nous arrêter près d’un terrain de sport situé à côté d’un profond et grand étang. Des enfants et adolescents couraient autour d’un stade, visiblement en pleine partie d’un jeu en équipes remarquablement long. Nous nous sommes installés un peu à l’écart dans un coin d’herbe calme et à l’ombre.


Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé, mais nous sommes toujours là à nous prélasser. Les enfants sont partis il y a un moment déjà. Je regarde autour de moi, assise dans les hautes herbes. Au loin, tout au bout du terrain, il y a une petite rivière surplombée par un petit pont de pierre. La route, tout autour, est un simple chemin de terre qui semble plutôt entretenu, habitué au passage des voitures.

Alors que je l’observe sans bouger, je vois une voiture qui s’y engage en même temps qu’une camionnette en face d’elle. Et avant même que j’aie eu le temps de réaliser ce qu’il se passe, les deux sont entrées en collision.

Et le pont s’effondre.

Cet effroyable choc est complètement silencieux de là où je suis, mais je vois la silhouette des deux véhicules en train de sombrer dans l’eau. Prise d’une bouffée d’adrénaline, je me lève. Je n’ai pas mon téléphone sur moi, mais je dois les aider. J’emprunte celui de ma tante avant de courir aussi vite que je le peux vers le lieu de l’accident.


Il fait nuit. Le téléphone n’a pas de lampe torche. Je n’y vois rien, mais je ne peux pas laisser ces gens mourir. Je n’ai entendu personne sortir des deux véhicules, peut-être que ces gens sont sonnés ou assommés, et ils peuvent se noyer à tout moment ! Sans réfléchir, je me mets à avancer avec difficulté dans l’eau. Je n’ai même pas atteint le lieu de la collision qu’elle m’arrive déjà aux cuisses, froide et épaisse. Tout en marchant péniblement, je crie à l’attention de ces personnes, en espérant qu’au moins une d’entre elles m’entendent et me réponde. Rien.

J’ai atteint ce qui semble être la voiture, que je distingue difficilement sous les rayons de lune. La fenêtre du côté passager est ouverte. À tâtons, j’essaie de trouver la poignée de la porte, quelque chose, mais j’ai beau tirer comme je peux, la porte ne bouge pas, coincée par la pression de l’eau. J’avance ma main à l’intérieur de l’habitacle sans réfléchir, et mes doigts rencontrent… des cheveux ? Je sens mon sang se glacer dans mes veines. Cette tête est si petite… Ça ne peut être qu’un enfant. Et il ne bouge plus.

Je retire précipitamment ma main, affolée. Je ne peux rien faire de moi-même pour eux, je dois appeler les secours. Mais bien sûr, l’écran de ce téléphone n’est pas rétro-éclairé… De mémoire, je trouve l’application pour appeler et compose les chiffres 1 et 8 avant d’appuyer sur appeler. J’espère ne pas m’être trompée…

« Pompiers, quel est votre urgence ? »

Je soupire presque de soulagement. Ça a fonctionné, quelqu’un va pouvoir venir m’aider…

Je commence à lui décrire la situation :

« Bonsoir, s’il vous plaît j’ai besoin d’aide j’ai assisté à un accident un pont s’est effondré, il y a une voiture et une camionnette et au moins trois personnes impliquées je crois qu’il y a un enfant dans la voiture et pour le reste aucune idée, ils sont à moitié sous l’eau j’arrive pas à les sortir, s’il vous plaît envoyez quelqu’un !

– Calmez-vous, mademoiselle, on va vous aider. Avez-vous essayé de leur parler ? Est-ce qu’un seul d’entre eux a répondu ?

– N-non ils répondent pas, ils sont enfermés, j’arrive pas à ouvrir !

– D’accord, donnez-moi votre localisation et je vous enverrai quelqu’un. »

Commençant à me sentir un peu moins angoissée, je lui décris précisément le lieu où je me trouve.

« Ah, très bien. Bon, on ne va pas venir. »

Sous le choc, je mets deux secondes à réagir. Mais c’est la colère qui l’emporte.

« Pardon ? Vous êtes sérieuse ? Mais vous avez entendu ce que je viens de vous dire ? Il y a un enfant qui est peut-être mort !

– Oui j’ai très bien entendu, c’est toutes les semaines la même chose ! Il y a toujours quelqu’un pour nous appeler le vendredi soir à votre emplacement exact pour nous signaler un accident qui implique une camionnette, et un petit garçon sur le siège passager. Cet accident a vraiment eu lieu mais c’était il y a des années, il faut que vous arrêtiez ce canular, c’est de très mauvais goût. Ces personnes sont mortes, ça n’a rien de drôle. Au revoir, mademoiselle. »

Elle raccroche sans que j’aie le temps de comprendre. Mais alors que les nuages se dissipent et que la lune éclaire soudainement bien mieux, je regarde autour de moi : pas de voiture, pas de camionnette, pas de petit garçon. Je lève les yeux vers le pont…

Intact.

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