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Point de Rupture, 8 : Idéal

« Tout ce qui brille n’est pas de l’or. Ne te laisse pas berner par cet étang, et ne t’y baigne jamais. Si tu oses t’y aventurer, il se transformera. Comme un typhon, il t’absorbera, et tu ne pourras plus jamais t’en défaire, tu tourneras et tourneras jusqu’à ce que mort s’ensuive. »

 – Chapitre XIV

C’est vraiment l’automne, ça y est. Le temps s’est rafraîchi et la terrasse de l’Aquariel se vide chaque semaine un peu plus. À cette période de l’année, les clients préfèrent se rabattre à l’intérieur, ne sortant que pour prendre l’air ou fumer de temps en temps. Et Nathan leur tient compagnie à chacune de ses pauses, silencieux au milieu du vacarme étouffé de l’établissement, si familier et rassurant à ses oreilles.

Les choses vont mieux, entre Lyla et lui. Depuis qu’ils ont eu cette discussion un peu… houleuse au sujet de leur ex respectifs, tout va mieux. Il sait d’où lui vient son côté jaloux, et elle sait pourquoi il ne se confie pas facilement à elle. Même si Camille n’était que la partie émergée de l’iceberg, la minuscule goutte de trop dans un vase déjà à ras bord, au moins… c’est dit. Et même si ce n’est pas très réglo, il pourra toujours s’appuyer sur sa relation avec lui pour se justifier de ne pas avoir parlé de ses autres problèmes plus tôt. Aux grands maux les grands remèdes, comme on dit.

Mais, à chaque fois qu’il se remémore leur dispute, il ne peut s’empêcher de frissonner. Être aussi cinglant, presque cassant, ça ne lui ressemble pas. D’ordinaire, il préfère éviter le conflit à tout prix et se murer dans le silence, encaissant les contrariétés comme il le peut. L’alcool a vraiment aidé, ce soir-là. Sans ça, il n’aurait jamais pu lui dire le fond de sa pensée…

Nathan revient à la réalité.

Le poivron… Il jette un œil par-dessus son épaule et aussitôt, Lyla se met à rire.

— Quoi, qu’est-ce que j’ai encore mal fait?

Il rit à son tour et se place derrière elle après avoir reposé sa spatule.

— Alors, Lyla, sache que j’apprécie énormément que tu prennes sur toi pour toucher à tous ces légumes, comme tu dis… Maiiiis… il faut que j’intervienne.

— Allez, j’ai encore mal fait un truc. Dis-moi?

— Bon. C’est pas que tu le fais mal, cette méthode est pas très connue, à ta décharge.

— Alors je vais faire partie de l’élite?

— Tout à fait. Alors, tu prends le poivron à deux mains, les doigts en dessous, voilà… les pouces sur la tige, et tu l’enfonces à l’intérieur.

Lyla s’exécute, et sursaute presque en entendant le légume émettre un petit bruit mat.

— Voilà, et là tu le sépares en deux… Et c’est bon, toute la partie qu’on mange pas, avec les graines, est partie.

— Pas mal !

— OK, et tu te rappelles ce que j’ai dit?

— Oui, oui. La lame, pas vers moi, et je dois pas essayer d’aller trop vite tout de suite, ça va venir. J’ai bon?

— Ça commence à rentrer, c’est bien. Tu saurais presque faire la cuisine à vingt-deux ans!

— Tu te moques de moi?

Nathan s’esquive en riant et retourne devant la poêle.

— Ce serait pas mon genre!

Lyla secoue la tête d’un air désabusé et coupe le poivron en dés, comme Nathan le lui a demandé. Et comme elle commence à prendre la technique, elle a rapidement terminé et s’apprête à jeter la tige et les grains dans la boîte à compost.

— Oulah, attends…

Elle se redresse, faussement exaspérée.

— Nan, encore ?

— Eh ben, jette tes déchets en les poussant avec ton couteau, pas à la main. Ça va plus vite et ça accroche pas sur tes doigts. Et là, comme là t’as laissé le couteau sur la planche, il pourrait glisser, te couper, tomber… C’est pas très prudent, tu vois. Mais fais-le avec le dos de la lame, sinon tu la racles sur la planche et ça va l’émousser.

— C’est noté, répond-elle sans avoir l’air de se vexer.

Il reprend son poste tout en la surveillant du coin de l’œil.

— Bon, cette session de cuisine se passe bien…? Je suis pas trop tyrannique? Ni relou?

— Bah, tu crois que tu vas me vexer en me disant que je sais pas cuisiner? Je le sais très bien, ça.

— Ah ah, au moins, t’as pas peur de le dire ! C’est juste que… j’ai pas très envie de t’énerver. Ton pote Rafael m’a dit qu’il valait mieux éviter.

— Ha, je sais de quoi il parle, tiens… Mais t’inquiète pas, il y a un monde entre harceler un de mes amis et me dire que je tiens mal mon couteau.

— Oh, je me doute…

Une fois tous les légumes dans le wok, Nathan s’écarte de la cuisinière et s’étire.

— Bon, pause cocktails ?

— Oh, euh, volontiers. Qu’est-ce que tu me proposes?

— Je sais que t’es une grande amoureuse de la vodka, mais… qu’est-ce que tu dirais d’un peu de rhum ? De ginger beer, et… de fruits?

— Hm, ce serait pas la recette du Dark’n’Stormy?

— Gagné. Tu commences à t’y connaître. Ça te tente ? C’est pas très fort, et je peux le revisiter pour toi, si tu veux.

— Hm, intéressant ! Allez, pourquoi pas.

Elle le regarde sortir son shaker et plusieurs bouteilles de son frigo. Les glaçons, le jus de fruit, la ginger beer… Puis, à toute vitesse, il commence à découper des rondelles de citron vert. Lyla ne peut détacher les yeux de ses mains, visiblement fascinée. Il a tellement effectué ces gestes qu’il pourrait leur préparer ces cocktails les yeux fermés. D’ailleurs, il l’a déjà fait. Mais il était alcoolisé, et ce pari stupide avec Setsuo aurait pu lui coûter un doigt.

— Petite paille en bambou ?

— Why not. T’es allé super vite, ça m’impressionne… Et je suis contente qu’on puisse… partager tes cocktails. Comme t’avais dit dans ta bio Dinter.

— Tu te souviens de ça ? C’est marrant.

Il plante deux pailles dans les verres et en tend un à Lyla. Puis ils trinquent et sitôt la première gorgée avalée, Lyla semble aux anges.

— Tu fais ça tellement bien…

— C’est gentil, merci.

Le sourire aux lèvres, Nathan remue les ingrédients dans le wok.

— T’as vraiment l’air d’aimer ton travail…

— C’est vrai, c’est le cas. Même si je me voyais pas faire ça à plein temps, j’aime bien.

— Ah bon, pourquoi ?

Est-ce qu’elle est déjà au courant, pour les études de droit? Oui, il lui semble que oui. Il l’avait mentionné lors de cette soirée au bar, avec Rafael et le petit couple.

— Je faisais ça comme job étudiant, à la base. À côté de mes études de droit.

— Attends, déjà à l’époque ? Tu cumulais un mi-temps avec des études aussi prenantes?

— Ouais, c’est sûr que c’était pas facile. Mais j’avais besoin d’argent pour prendre un appart’, alors j’ai fait avec.

Il n’a pas vraiment envie de parler de cette partie de l’histoire. Mais Lyla ne relève pas et se contente de hocher la tête.

— T’avais dit que ça avait pas été facile de trouver un poste à cause de tes études, je m’en souviens. Parce que les patrons avaient peur d’embaucher quelqu’un qui connaissait bien le code du travail.

— Ah ça oui, j’étais tellement naïf. Quand j’en ai parlé à ma collègue Marianne, elle s’est foutue de ma gueule. Mais bon au moins, j’ai atterri dans un bar sympa, avec des patrons respectueux. En plus, il est pas loin de chez moi. Donc je pense que ces refus… ça m’a fait gagner au change.

— C’est un peu désolant, mais c’est vrai. Et donc, t’as réussi à cumuler les deux?

Il baisse la tête, faisant semblant de se concentrer sur le wok. Comment lui dire…?

— Ben… J’ai commencé pendant les vacances d’été, donc la question se posait pas. Mais… pas vraiment. À la rentrée, c’est devenu rapidement compliqué. J’ai tenu le rythme… À peine un mois ? Entre les cours, le boulot, les recherches d’appart’ avec Quentin et les révisions… C’était usant. Au début, j’ai commencé à sécher les cours juste pour me reposer, dormir même une heure sur un banc à la fac. J’étais complètement épuisé. Et quand on a eu notre premier appart’, j’ai… On va dire, progressivement déserté. De toute façon, j’avais pas vraiment envie de faire du droit.

— Oh, je vois…

Elle le fixe étrangement, comme si elle s’apprêtait à poser une question. Mais il a peur de trop en dire, peur d’aborder cette période de sa vie. C’est tout sauf simple. Nerveusement, il réajuste son bracelet et se contente de dévier légèrement le sujet:

— Après, j’ai un peu erré, niveau études…

— Oh, on est deux.

Il sourit discrètement en se tournant vers elle. Au moins, il n’est pas le seul. Elle ne pourra pas le juger là-dessus comme le faisait Camille.

— Ah oui ? C’est vrai que t’avais dit que t’avais commencé une licence de lettres.

— C’est ça. Mais j’ai abandonné après la première année, comme toi. Ensuite… j’ai passé une année de césure, j’ai fait un peu d’intérim pour avoir de l’argent de côté, mais heureusement que ma tante m’aidait… Après, j’ai commencé mon BTS en web design et communication, et comme tu sais, j’ai enchaîné sur une troisième année licence pro alternance. J’en suis là, on verra bien ensuite. Et toi?

Et lui ? Bon, il peut le faire. Il ne va quand même pas s’écrouler à chaque fois qu’on aborde le sujet des études, si?

— Ben, j’ai tenté pas mal de choses aussi après le droit… Un DUT commerce, puis une année en développement web… Ça, ça me plaisait bien, mais… je sais pas, j’ai arrêté. Ensuite, j’ai pris plus d’heures au bar le temps de chercher ce que j’avais envie de faire d’autre. Et finalement, comme je me sentais bien au bar et que ça me faisait une sécurité, j’ai demandé à passer à plein temps quand un collègue à mi-temps a posé sa dem. C’est un peu… ma bulle, je m’y sens bien. Et ça me permet largement de vivre.

— OK, tant mieux. Mais… t’as pas du tout envie de retenter le développement web? De faire une formation, par exemple?

Il hausse les épaules et soupire. Peut-être, mais… Comment lui dire…?

Allez, donne-toi à fond, Nath. T’as pas vraiment besoin de ces heures de sommeil, non ? Sortir, voir tes amis, mais pourquoi faire? Allez, bosse encore un peu, encore un chapitre… Comment ça, il est cinq heures du matin? Ouais, tu prends dans trois heures, et alors? Au moins, tu seras toujours à fond dedans, comme ça. T’inquiète pas, tu te reposeras quand t’auras terminé ton master. Peut-être.

Sois le meilleur, sinon rien. Et surtout, rappelle-toi : même si tu l’es, ce sera jamais assez.

Si, il va s’écrouler à chaque fois qu’on aborde ce sujet.

Vite.

Il se tourne vers le frigo et l’ouvre un peu précipitamment. Il est hors de sa vue. Parfait.

Non, non, pas maintenant… Pas encore un de ces foutus breakdowns, et encore moins devant elle. Contiens-toi. Il fait semblant de chercher quelque chose et ferme les yeux un moment pour reprendre son souffle.

Respire, un, deux, trois…

— Ça va ?

— O-oui, je cherche juste un truc, j’ai oublié d’en mettre…

Il cligne plusieurs fois des yeux et reprend une grande inspiration. Non, tout sauf maintenant. Reprends-toi…Quatre, cinq, six…

Il lève une main maladroite vers sa purée de piments. Tiens, tant qu’à faire, autant prendre quelque chose qui peut aller dans son plat. Si ça peut éviter d’éveiller ses soupçons. Il se frotte le coin des yeux et retrouve son sourire en fermant la porte du frigo. C’est vite passé, tout va bien.

— C’est bon, j’ai.

— Oh, du piment. Cool, j’aime bien.

Elle ne semble pas avoir remarqué quoi que ce soit. C’est vrai qu’en général, Lyla a beaucoup de mal à… décrypter les expressions des autres, on dirait.

Et putain que ça m’arrange.

— Je sais pas trop, pour te répondre. Le plein temps au bar, c’est cool, mais c’est vrai que c’est épuisant. De là à trouver le temps pour une formation en plus de mon trente-cinq heures…

— Ouais. C’est sûr, c’est pas simple.

Il soupire presque de soulagement. Il a réussi à dire quelques phrases sans s’écrouler. Sujet clos. Puis il s’adosse au plan de travail pour regarder par la fenêtre ouverte, pensif. Ne surtout pas se laisser gâcher une aussi belle soirée par ça. Surtout pas.

Laisse-le où il est, le passé.

Nathan n’a pas revu Lyla depuis ce soir où ils ont cuisiné ensemble. Depuis qu’il a bien failli avoir un breakdown émotionnel devant elle sans prévenir. Encore un peu honteux de cette expérience, il n’a pas osé en parler à ses amis. C’était un peu trop d’un coup. Déjà qu’il a toujours eu du mal à pleurer, même devant Quentin, Setsuo ou Roman, alors Lyla… Lyla, devant laquelle il s’efforce de ne montrer aucune faille…

À ce propos… Cet après-midi, il doit la rejoindre entre ses deux services au bar. Il est d’abord chargé de faire l’ouverture, puis il a une longue pause pour manger avant de faire la fermeture. Il n’aime pas ces horaires. Il préfère largement enchaîner du milieu de la soirée jusqu’à la fermeture et ses patrons le savent bien, mais depuis quelques jours, sa collègue Marianne est malade. Ses patrons ont donc besoin d’un peu d’aide, aussi a-t-il accepté ces heures supplémentaires. Après tout, c’est exceptionnel.

Puis, pendant cette pause de quelques heures, il a l’occasion de traîner avec Lyla. Elle a pris un bus pour le rejoindre près de son travail, à la prairie de Cahen. Alors en l’attendant, il est passé chez lui pour se rafraîchir et prendre son sac avec les goûters. Ça va être parfait.

Lyla et lui, après un tour à l’hippodrome, se sont assis dans l’herbe avec un petit goûter et des boissons. C’est parfait, comme endroit. Jolie vue, pas trop de bruit, et il n’est pas loin du bar pour reprendre son service quand le soir viendra. Il se sent détendu. C’est le bon moment pour lui demander…

— Au fait, est-ce que t’es libre le week-end avec le jour férié, le mois prochain ?

Lyla relève la tête et attend la suite, intriguée.

— J’ai pris des congés autour, et comme j’ai des horaires difficiles avec ma collègue malade, mon patron m’a promis de coller un de mes jours de repos dessus en échange. Donc ça me fait quatre jours de repos d’affilée.  C’est cool, non? On pourrait se voir.

Il tente un sourire, mais déchante en voyant le regard ennuyé de sa petite amie.

— Hm, je sais pas… C’est que… le jeudi soir on va faire une petite soirée chez Jenny et Logan. Le lendemain, je serai chez ma tante et le samedi soir, je sais pas encore. Mais je serai sûrement encore chez elle. Il y a des chances.

— Ah oui, c’est soirée tous les soirs, quoi !

C’est tout de même bizarre, non ? Comment elle fait pour cumuler autant de choses, elle qui a l’air de fatiguer si vite?

— Ben, c’est parce que mon cousin va venir en ville. La soirée chez Jenny est surtout pour lui.

Nathan la fixe un moment, décontenancé. Son cousin… Elle lui a dit qu’il était comme son frère, alors peut-être qu’il est temps qu’ils se voient, tous les deux. Il tente un sourire et lui prend la main:

— Dans ce cas… Je pourrais peut-être venir? Il faudra bien que je le rencontre un jour, non?

— Euh, franchement, je sais pas…

Il a l’impression de se prendre une douche froide. Comment ça, elle ne sait pas?

— Écoute, je dis pas ça contre toi, c’est juste que… Morgan a jamais été sympa avec les gars que j’ai pu fréquenter. Il détestait D…

— Mais à raison, objecte Nathan d’une voix hésitante.

— Oui, bien sûr. Mais même après ça, quand je parlais à des gars de Dinter, ou quand un mec essayait de me draguer en soirée, il était toujours très froid, limite cassant…

— Et tu penses qu’il va pas me trouver assez bien pour toi?

Le ton agacé de Nathan peine à cacher sa tristesse, mais Lyla ne le regarde pas dans les yeux. La tête baissée, elle balance doucement ses pieds.

— Je sais pas trop.. J’ai peur qu’il soit dur avec toi. J’aimerais mieux attendre un peu avant de vous présenter.

— Attendre quoi ? soupire-t-il.

— Que ce soit vraiment sérieux entre nous.

Cette phrase lui fait l’effet d’une flèche en plein cœur. Que ce soit vraiment sérieux? Parce que… ça ne l’est pas? Comme si elle semblait se rendre compte de sa phrase, elle se redresse vivement:

— C’est pas ce que je voulais dire, pardon! Je voulais dire que je voulais attendre que… que ça fasse un peu plus longtemps. Et peut-être que de cette façon, à lui, tu lui paraîtras sérieux.

Il acquiesce, encore amer. Cette phrase est vraiment dure à encaisser.

— Il va falloir que je me remette en route vers le bar, se contente-t-il de répondre.

Lyla, sentant probablement qu’elle l’a vexé, se rapproche de lui sur le banc.

— OK, je… je te redis ça. Mais… c’est toujours OK pour vendredi chez Jenny et Logan?

— Oui, oui. Je viendrai.

Il n’affronte pas son regard, encore une fois. Il prend sur son seul soir de repos de cette fin de semaine pour être avec elle et ses amis, et… ce n’est pas sérieux entre eux? Malgré sa rectification, ce qu’elle a dit lui fait vraiment un pincement au cœur.

— Et… écoute, je vais essayer de parler de toi à Morgan. Je peux peut-être préparer le terrain, et… essayer de vous présenter quand même. Je voulais juste te dire que ça risquait d’être compliqué, avec lui.

— OK, ouais. Je comprends…

Il préfère écourter la conversation et lui fait un rapide câlin avant de s’éloigner en direction des rives. Il a plus qu’envie de mettre cette discussion derrière lui.

Dix-huit heures cinquante.

Nathan devrait être en train de se préparer pour la soirée chez Jenny et Logan, mais il reste dans son lit, inerte, le regard rivé au plafond. Les bras croisés sous la tête, les jambes pliées, il ne bouge pas d’un pouce. Déprimé, découragé..

J’aimerais attendre que ce soit vraiment sérieux entre nous.

Il ne peut s’empêcher de ressasser ces mots, encore et encore. Qu’est-ce qu’il doit comprendre ?

— Nath ?

Il redresse la tête et soupire.

— Quoi ?

— T’es pas censé partir, ce soir ?

Nathan soupire de nouveau, contrarié. Pourquoi est-ce que Quentin se souvient de tout, comme ça?

— Si, si… Pourquoi tu me demandes ça?

— Je sais pas, il est quasiment dix-neuf heures, et comme t’avais dit que tu voulais cuisiner un truc… C’était juste pour savoir si tu dormais, ou si tu…

Si tu t’étais mis à fixer le plafond pendant des heures sans bouger, comme au bon vieux temps?

— Non, non…

— Je peux entrer ? demande son ami après un silence.

— Ouais…, répond-il après un silence aussi long.

Quentin ouvre la porte et la referme derrière lui, adossé dessus. Nathan reconnaîtrait entre mille sa mine préoccupée.

— Ça va pas ?

— Je sais pas si j’ai envie d’y aller…

— Mais pourquoi ?

Après un moment de réflexion, Nathan s’assoit contre le mur, toujours dans son lit, et se confie à son ami, le regard las. Il lui parle des doutes qui l’assaillent depuis que Lyla a sous-entendu que son cousin ne voudrait pas le voir. Qu’est-ce qu’elle attend de lui, de leur relation? Qu’est-ce qu’il doit faire pour lui prouver qu’il est bien sérieux?

— Nath…

— Quoi ? Faut que je me fasse violence, c’est ça?

— Non, c’est pas ce que je voulais dire… Je comprends que ça t’ait blessé, je suis désolé pour toi… Mais elle a sûrement ses raisons de te dire ça, non?

Il hausse les épaules, songeur.

— Je sais pas, c’est vrai que… moi aussi, je la tiens à l’écart de ma famille… Peut-être pas pour les mêmes raisons, mais elle doit avoir les siennes.

— C’est ça. Écoute, Nath, je sais bien que t’en as marre que je te dise ce genre de trucs mais… il faut pas que tu paniques et que tu gâches tout pour ça. C’est une fille super, vous vous entendez bien, vous allez bien ensemble…

— Oui, je sais…

— Je suis sûr que ça va bien se passer.

Quentin n’ajoute plus rien, lui souriant d’un air bienveillant. Comme à chaque fois, il sait quand ses paroles ont touché son ami, quand ses mots vont faire leur chemin. Et tout comme Nathan, il préfère probablement éviter une nouvelle dispute stérile à ce sujet.

— Bon, je te laisse…

— Ouais, je vais sortir de là aussi… Je vais y aller… Je vais cuisiner pour la soirée.

— OK, bonne cuisine alors. Je retourne réviser.

— Bon courage.

Lorsque Quentin quitte la pièce, Nathan prend un moment pour réfléchir, les yeux clos. Quentin a raison. Lyla et lui vont bien ensemble. C’est une fille géniale, pleine d’énergie, qui a mille idées à la minute… Il ne va quand même pas tout gâcher pour un détail aussi… insignifiant.

Ce n’est pas dans ses habitudes, mais ce soir-là, il a presque une demi-heure de retard quand il se retrouve en bas de l’immeuble des amis de sa copine, perché sur son vélo.

Il prend son téléphone et l’appelle sans réfléchir.

— Hey, euh, je connais pas le nom de famille de tes potes pour l’interphone… Ah, tu m’ouvres ? Parfait. Merci, j’arrive.

Il raccroche et soupire. Il n’y a aucune raison que ça se passe mal, n’est-ce pas…?

Il entend le bruit de l’interphone et monte les escaliers jusqu’à l’étage que Lyla lui a indiqué. Il s’engouffre dans l’appartement dont la porte est restée ouverte et s’efforce de reprendre son meilleur sourire.

Fais comme si tout allait bien.

— Hey Nathan !

Son simulacre de sourire a l’air de convaincre le couple, qui s’empresse de lui indiquer un endroit où accrocher sa veste dans l’entrée. Il repose son sac et le prend à la main, tout en explorant l’appartement. Où est Lyla…?

— Si t’as quelque chose à mettre au frigo, vas-y! lui dit Jenny tout en lui indiquant la cuisine.

— Oh, euh, pas vraiment. J’ai ramené quelques paquets de chips et un gâteau que j’ai fait. C’est… au chocolat. Avec des amandes.

Tout en avançant vers le salon, il remarque le visage stupéfait des invités. Un peu mal à l’aise, il cherche Lyla des yeux… Nulle part. Le couple s’approche de lui, et comme si c’était la chose la plus incroyable qu’ils aient entendue de la semaine, ils demandent presque à l’unisson:

— Un gâteau ? Fais voir ?

Décontenancé, Nathan sort le moule en téflon de son sac. Logan le lui prend précautionneusement des mains. Jenny le regarde d’un air impressionné, et applaudit brièvement:

— OK, t’es officiellement la première personne qui ait jamais cuisiné pour une de nos soirées. Félicitations!

— Hé ! lance la voix de Noémie dans le fond. Tu m’oublies un peu vite, là.

— Désolée ma belle, mais je crois que couper des légumes c’est pas vraiment la même chose que cuisiner!

Logan s’esclaffe de rire avec elle avant de se tourner vers Nathan, qui ne sait plus quoi dire. Tant d’énergie déjà au début de la soirée… Et toujours pas de Lyla en vue.

— En tout cas, tu reviens ici quand tu veux, parce que ça, ça fait plaisir!

— Eh bah… de rien…? Au fait, elle est où Lyla?

— Ah, euh, à la salle de bains je crois. Elle arrive.

Il hoche la tête, enfin rassuré. Elle ne l’a pas laissé seul. Il s’installe au salon et regarde les bouteilles que les invités ont apportées pour se distraire. Hm, ouais, ça peut aller. Ils n’ont pas mauvais goût…

— Oh, salut…

Enfin, elle est là. Il retrouve son sourire et se lève pour la serrer dans ses bras. Enfin. Il esquisse un mouvement pour l’embrasser mais elle recule, l’air gêné.

— Euh, je viens de mettre du baume à lèvres, c’est… pas trop le moment.

— Ah, d’accord. OK.

Il garde sa main dans la sienne un moment avant de retourner s’asseoir, elle à côté de lui. Il n’a pas le temps de lui demander comment elle va que ses amis reviennent dans la pièce.

— Lili, lance Jenny, ton copain cuisine pour les soirées. J’espère que tu réalises avec qui tu sors, là. C’est pas n’importe qui.

Nathan rit dans son coin, amusé. Ton copain

— Eh, ça va. Tu vas encore dire que…

— Oui, tu devrais en prendre de la graine !

— Non mais sois pas relou ! En plus, tu sais quoi? Nathan m’apprend à cuisiner.

— Mais c’est incroyable ça ! Nathan, t’as réussi à la faire toucher des légumes?

— On dirait bien…

— Exactement ! s’écrie Lyla. Un soir je vais me ramener avec un vrai truc à manger en soirée, et vous allez tous la fermer!

— Ah, tu reconnais enfin que les pointues et la sauce piquante ne sont pas un vrai truc à manger? ironise Noémie.

Nathan les écoute se chamailler, amusé. Puis quand la discussion est terminée et que Lyla se renfonce dans le canapé, dépitée, il se rapproche d’elle.

— Tu sais… j’ai une recette de guacamole qui va hyper vite à faire. Ça, ça pourrait accompagner tes… pointues, tout en te renouvelant un peu.

Elle rit légèrement et lui prend la main sur le canapé.

— C’est une bonne idée…

Il entrelace leurs doigts, rassuré. Pendant un moment… il avait presque l’impression qu’elle l’évitait. Mais il faut absolument qu’il arrête de se prendre la tête. Tout va bien entre eux, pas vrai?

Seul, adossé à la rambarde du balcon, Nathan regarde les lumières de la ville, plongé dans ses pensées. Il n’a pas l’habitude de voir cette partie de Cahen sous ce point de vue, et l’appartement du petit couple est particulièrement bien situé pour cela. Il en aurait presque envie de croquer ce qu’il a sous les yeux, s’il avait pris son carnet avec lui. S’il avait parlé de sa passion à Lyla.

Pour le moment, la soirée se passe bien. Il a terminé sa deuxième tournée de cocktails pour le petit groupe, et tout le monde semble les apprécier, le complimentant encore et encore.

C’est tellement bien que ton copain soit barman, Lili !

Les remarques de Jenny font toujours rire Nathan. Et, même s’il n’aurait osé l’avouer, elles le rassurent aussi un peu. Ton copain. C’est donc bien comme ça qu’il est considéré. Même si ça n’est pas… encore assez sérieux entre eux.

Alors qu’il ressasse encore cette remarque malgré lui, les yeux baissés, Lyla fait justement son apparition sur le balcon, son mojito avec ses petites feuilles de menthe à la main. Devant son sourire désarmant, il tente de retrouver le sien mais se met à s’agiter nerveusement. C’est toujours aussi difficile de se détendre.

— Hey, merci pour le mojito. Il est vraiment trop bon, tu gères.

— Oh, de rien. C’est pas un challenge très difficile pour moi, ça. Mais d’ailleurs, tu sais… tes potes ont plein d’alcools différents, et j’en ai ramené aussi. Je connais vraiment beaucoup de recettes de cocktails, et je peux encore en inventer d’autres au feeling. Je dis pas ça pour me vanter, c’est juste que… tu me demandes toujours des trucs très peu alcoolisés, les mojitos et tout, mais, si t’en as envie, je peux te faire des trucs plus costauds.

Elle se dandine tout en buvant une gorgée, le regard dans le vague.

— Oh, je sais pas… ça me va comme ça. J’ai pas vraiment envie d’être bourrée.

— Quoi, plus du tout ? Les cuites, c’est fini pour toi ?

Alors qu’il dit cela pour plaisanter, avec un petit sourire taquin, elle semble mal à l’aise. Il la fixe un moment tandis qu’elle reste silencieuse, tendu. Pourquoi est-ce qu’elle réagit comme ça ? Est-ce qu’il a dit un truc qu’il ne fallait pas ? Est-ce que le sujet de son mensonge est plus sensible qu’il n’y paraît ?

Anxieux, sans savoir comment meubler cette conversation, il met par réflexe les mains dans ses poches, à la recherche de deux textures familières et rassurantes. Le briquet à droite, le paquet à gauche. Il sent une petite pointe de soulagement, comme à chaque fois qu’il les y retrouve bien tous les deux. Il les sort en même temps sans réfléchir, échappant au regard de sa petite amie le temps de quelques secondes. Le temps d’allumer…

— Quoi, tu vas fumer ?

Il relève brusquement la tête, surpris par son ton chargé de reproches. La cigarette tout juste allumée entre les lèvres, il ouvre de grands yeux derrière le petit point de lumière rouge.

— Euh, oui, désolé, je…

— Je sais pas, t’aurais pu le faire avant que je te rejoigne… Ou après, j’en sais rien.

Il suspend son geste, confus. Il sait qu’elle n’apprécie pas vraiment la cigarette, mais… elle savait à quoi s’attendre en le rejoignant dehors, non ? Et, comme elle doit se douter qu’il est plutôt difficile d’arrêter du jour au lendemain… est-ce qu’elle compte vraiment lui faire une remarque à chaque fois qu’elle le verra avec une cigarette ?

— Bon, c’est pas grave, je vais retourner à l’intérieur.

—  Attends…!

Avant qu’il n’ait pu ajouter quoi que ce soit, elle a déjà refermé la porte coulissante, le regard toujours fuyant. Il reste encore figé un moment, une boule dans la gorge. C’est à ce point-là…? Il n’a même pas eu l’occasion de l’embrasser… Il resserre sa prise sur son briquet, sans tirer sur sa cigarette, laissant la fumée s’en échapper. Qu’est-ce qu’elle a avec ça ? Et avec l’alcool ? Pourquoi est-ce qu’elle est aussi virulente à ce sujet ? Entre ça et son mensonge sur sa propre consommation, à quoi elle joue ? Est-ce qu’elle pense être meilleure que lui parce qu’elle ne fume pas, parce qu’elle ne boit que des cocktails très peu chargés et du cidre ? Elle veut juste avoir de quoi lui faire la morale ?

Tu te montes encore la tête…

Il tourne le dos à la porte, toujours tendu malgré lui. Oui, bien sûr qu’il voudrait arrêter. Bien sûr qu’il déteste l’idée d’être accro à cette merde. Mais pour l’instant, il ne se sent ni la volonté, ni la force d’arrêter. Pour l’instant, il a beaucoup trop besoin de déstresser. Et en particulier après ce genre de discussion.

Tout en expirant sa première bouffée, il songe à l’aversion de sa petite amie. Encore une question qui va tourner en boucle dans sa tête…

Est-ce que je suis vraiment prêt à endurer ça ?

La soirée est terminée, et Nathan n’a pas eu une seule occasion de passer du temps seul avec Lyla. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. S’asseoir à côté d’elle, retourner dehors sans fumer… Elle n’a pas vraiment suivi. Et bien sûr, elle semblait également fuir son regard, pour ne rien arranger. Mais qu’est-ce qui se passe, encore? Pourquoi rien n’est jamais simple avec elle ?

Est-ce que c’est uniquement à cause de cette foutue cigarette ?

Il n’ose lui poser la question alors qu’il la raccompagne, son vélo émettant de petits bruits de cliquetis réguliers. Les mains cramponnées sur le guidon, il se contente de hocher la tête alors qu’elle lui parle de son école d’une voix fatiguée et peu assurée.

Elle aussi, elle ressent cette tension…?

Il n’a aucune envie de lancer cette discussion. Il ne sait pas pourquoi ni comment mais au fond de lui, il sent que s’il le faisait, cela terminerait mal. Une rupture, c’est bien la dernière chose qu’il voudrait.

— Bon, ben… Merci.

Il se redresse et réalise qu’ils sont arrivés devant la porte métallique de l’immeuble de Lyla. Déjà ? Nathan ouvre la bouche puis la referme, indécis. Qu’est-ce qu’il est censé dire, ou faire ?

— Je… Je vais remonter. Je suis désolée, je suis vraiment fatiguée, alors…

— Tu veux rester seule.

Il a terminé sa phrase d’une voix blanche, sans savoir lui-même ce que cela lui fait. De la peine ? Du mal ? Est-ce qu’au fond… il n’a pas envie d’être seul, lui aussi ? Il desserre les poings et positionne sa béquille pour lâcher le vélo. Comment est-il censé réagir ?

— Oui, je… j’ai des trucs à faire demain. Désolée…

— C’est pas grave. Je vais te laisser dormir, on…

— On se verra une autre fois.

Il acquiesce, confus. Il ne savait pas comment terminer cette phrase. Mais elle a envie de le revoir, on dirait.

— D’accord, pas… pas de souci. Dors bien.

Il la regarde un instant sans bouger, complètement perdu. Lui dire au revoir. Il faut bien qu’il lui dise au revoir. Il s’avance maladroitement pour la prendre dans ses bras mais, alors qu’il s’apprête à l’embrasser, son mouvement de recul ne lui échappe pas.

Ça fait mal.

Il recule lui aussi et la fixe tristement. Ça va vraiment être aussi compliqué à chaque fois?

— Je sens plus la clope depuis le temps, tu sais.

— Euh… oui, désolée… C’est vrai que t’as fumé il y a longtemps.

Elle relance le mouvement et l’embrasse brièvement, sur la pointe des pieds, les bras sur ses épaules. Puis elle se laisse retomber sur ses talons et avec un sourire gêné, elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille et recule.

— Bon, ben… À bientôt, alors ?

— Ouais, bien sûr. On… on se voit bientôt. Bonne nuit.

— Merci, et… rentre bien.

Elle tape le code de sa résidence sans attendre de réponse et marche rapidement vers la deuxième porte. Nathan la suit des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse, atone. Puis il reste ainsi encore une minute. Puis deux.

Qu’est-ce que c’était que cette soirée?

Elle le fuit, elle l’évite, elle fait tout pour ne pas l’embrasser…

Je t’en supplie, si tu veux rompre, dis-le-moi tout de suite.

Il retire la béquille du vélo et le reprend à la main quelques mètres avant de monter dessus, complètement absorbé dans ses pensées. La rupture…

Il n’a jamais souffert d’une rupture. Du temps de Camille, ça avait même été une délivrance. Quant aux autres… Les petites amies du lycée, et les quelques personnes qu’il y a eu après Camille, c’était… Non, ce n’était pas assez fort pour lui faire ressentir quelque chose d’aussi grand. Avec Lyla, c’est différent. Si au début de leur relation, il essayait de se persuader qu’il valait mieux pour elle qu’il ne la contacte plus et ne la voie plus jamais, maintenant, plus rien n’est pareil.

Il tient à elle. Pour de vrai. Il ne sait pas à quel point, mais il n’a jamais rien ressenti de tel. Et il fait vraiment de son mieux, vraiment!

Même s’il y a la peinture, même s’il y a Laure, même s’il y a l’histoire derrière son bracelet, et encore tellement d’autres choses… Il fait ce qu’il peut avec elle et tout ce qu’il lui faudrait, c’est…

Encore un peu de patience, un peu plus de temps, une véritable occasion de lui parler de…

Il te faut ta psy, surtout.

Il pile à un feu rouge le long d’une avenue complètement déserte, les larmes aux yeux, dans un crissement de pneu qui résonne dans toute la rue. Puis le calme revient, sous la lumière blafarde des lampadaires.

— Putain, c’est trop compliqué !

Vert. Orange.

Il reste la tête entre les mains, les yeux fermés, la respiration lourde et le souffle court. Encore…? Oui, encore. Encore une chose dont il doit lui parler.

Il redresse la tête et prend une grande inspiration avant de rouvrir les yeux. Pas ici, pas maintenant. Au milieu de la route, devant ce feu vert? Quel endroit stupide pour pleurer.

Il se remet à pédaler doucement et en à peine trois minutes, il se retrouve devant son immeuble. Enfin.


Une fois dans son lit, son bracelet retiré et son téléphone en charge, il réfléchit aux événements de la soirée. Lyla…

Il ne peut pas rester seul avec ça. C’est ce que diraient Quentin, Setsuo, Roman, Léo.

Confie-toi, il faut que ça sorte.

Mais auquel d’entre eux…? Non, plus tard. Il éteint la lumière et s’aperçoit qu’il n’a pas fermé la persienne. La pièce est encore largement éclairée par les lampadaires dehors. Tant pis. En tout cas, s’il y a au moins une chose dont il est certain, c’est qu’il est bien trop fatigué pour réfléchir clairement à cela pour l’instant. Il a la tête lourde, tellement lourde…

C’est donc ça, s’engager dans une vraie relation? Qu’est-ce que c’est fatiguant. Il n’avait jamais eu affaire à tout ça. Il n’avait jamais pensé que tout ce qu’il avait vécu avant de rencontrer Lyla pouvait poser problème à ce point. Pourtant, oui, c’est logique. Bien sûr que c’est logique, et il a été naïf de croire que tout se passerait bien juste parce qu’ils ont une… alchimie, connexion particulière. Il a été stupide de croire que la poussière disparaissait comme par magie, une fois projetée sous le tapis.

Oui, les sentiments, c’est bien. Mais comme dirait Roman, des fois, aimer c’est pas suffisant. Autrefois, il ne comprenait pas vraiment ce qu’il voulait dire par là et n’avait jamais vraiment essayé d’interpréter cette phrase. Maintenant, il se rend compte à quel point c’est vrai. À la manière forte.

Allongé sur son lit, les yeux rivés au plafond, il ne se sent plus la force ni l’envie de bouger de là. Cela fait une heure, peut-être deux qu’il réfléchit à cela, immobile. À bout, mais incapable de pleurer. Éreinté, mais incapable de dormir.

Comme au bon vieux temps.

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